Journal de bord de l'Harmattan
Sun, 17 Jan 2016 19:00:00 - Rien ne passe après tout
N° 838 - A Cormeilles en Vexin

20h00 en France.



Bonjour Ă  tous,

Qu’il est beau ce vers d’Aragon « Rien ne passe après tout si ce n’est
le passant » !

J’aime méditer mais je n’en ai pas toujours le temps. Pourtant je
recherche ces moments, pendant ces heures d’insomnie qui repoussent
très loin l’instant où le sommeil reviendra mais également durant ces
heures qui s’étirent lorsque mon bateau n’en fini pas de traverser un
océan. Je pense que c’est pour cela que j’aime autant la mer et
surtout les longues navigations en solitaire.

C’est étonnant comment quelques mots mis bout à bout peuvent faire
jaillir d’images, éveiller de sentiments, bouillir d’idées lorsque
l’on se trouve dans cet état si particulier entre le rêve et la
réalité qu’est la méditation.

Je viens d’acheter le dernier livre de Jean d’Ormesson « Je dirai
malgré tout que cette vie fut belle ». J’aime énormément l’homme, ses
idées sur la vie dans lesquelles je me retrouve et par-dessus tout le
conteur exceptionnel. Je pourrais passer des heures à l’écouter. Je
vais lire ce livre dans l’avion qui me transportera vers le Brésil
jeudi.

Le titre de son livre est tiré du fameux poème d’Aragon « Que la vie
en vaut la peine ». J’adore ce poème car il représente exactement ce
pourquoi je me bats au quotidien, ce que je pense de la vie au plus
profond de mon être, ce que j’aimerai tant faire partager à tous ceux
que je croise et en particulier à tous ceux qui sont dans la déprime
ou le malheur.

Et le vers qui je trouve le plus profond dans ce poème est « Rien ne
passe après tout si ce n’est le passant ». Je crois que si, tous les
matins en se levant, nous nous rappelions que nous ne sommes que des
passants, la vie serait tellement différente. Nous pourrions ainsi
vivre cette nouvelle journée à fond, comme si c’était la dernière et
en profiter pleinement.

« II y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
II y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant »

Mais, avant, il faut totalement accepter le fait de n’être qu’un
passant afin de pouvoir remercier la nature de nous avoir donné
l’extrême chance de naître et de profiter de tous ces moments
délicieux, de toutes ces joies, de tous ces bonheurs qui parsèmes
notre vie.

« C’est une chose au fond, que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre »

Je ne peux moi non plus comprendre cette peur. Bien sûr il y a
l’instinct de survie qui nous pousse à nous dépasser dans les moments
extrêmes afin d’essayer à tout prix de prolonger la vie, de continuer
à profiter de tout ce qu’elle nous apporte de bon. Il y a surtout la
peine de ceux qui nous aiment et Ă  qui nous allons manquer mais les
règles étaient claires dès le départ, nous ne sommes que des passants.
Au lieu de regretter que tout se termine, réjouissons-nous d’avoir
tout simplement existé et d’avoir pu profiter de tellement d’instants
où l’émotion nous a submergés.

Ce qui me surprend c’est que bien souvent ce sont ceux qui trouvent la
vie dure, faite de plus de malheurs que de bonheurs, remplie de peines
de cœur, de difficultés, d’injustices, qui subissent « les séparations
les deuils les camouflets » qui pourtant ont peur de mourir, de perdre
cette vie qu’ils n’aiment pourtant pas ou dont ils se plaignent en
permanence.

J’ai été élevé dans une culture catholique et j’ai souvent entendu me
grands-parents se plaindre de la vie, dire que c’était une punition.
Je n’ai jamais compris ou plus exactement ce n’est que récemment, lors
de ces longues navigations en solitaires qui m’ont apportées tant en
me procurant les conditions favorables Ă  de longues et fructueuses
méditations que tout s’est éclairé.

J’ai découvert alors que nous n’étions pas tous fait dans le même
moule et que la majorité d’entre nous ne savent pas savourer tous les
petits instants de la vie où le cœur explose, où les poils se dressent
et où les larmes d’émotion arrivent devant un rire ou les pleurs d’un
enfant, une mélodie, quelques notes de musique ou bien un texte, une
passante entrevue( Antoine Pol), une marque d’amitié, un levé ou un
couché de soleil, une lumière, un paysage, un sentiment, une
rencontre, enfin devant ces milliers d’occasions qui parsèment notre
vie.

Pour finir, une chose me gêne un peu dans ce vers d’Aragon que Jean
d’Ormesson a choisi pour titre :

« Je dirai malgré tout que cette vie fut belle »

Pourquoi ce « Malgré tout » ?

A bientĂ´t

Jean-Louis
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