Journal de bord de l'Harmattan
Fri, 11 Nov 2016 00:00:00 - Dans le Club de Veleros Barlo
N° 921 - Les pieds dans le plat

21h heure locale, 0hTU J+1, 1h en France J+1.
vento

Bonjour Ă  tous,

Quelle nuit difficile ! Il y a le rĂŞve et puis il y a la raison.

Depuis deux mois je me bâts pour résoudre les difficultés qui
s’enchaînent. Il y a eu Adriana qui n’a pas tenu ses engagements avec
la réalisation de la capote. Il y a eu UPS qui, outre le fait de
m’avoir volé en m’ayant fait payer une prestation non effectuée, m’a
couté plus d’une quinzaine de jours sur mon planning.

Et puis il y a eu ce problème de bague hydrolube qui m’est tombé sur
le dos. C’est vrai j’aurais put réagir plus tôt. Mais comment imaginer
qu’une bague qui ne présentait aucun symptôme d’usure en partant de
Piriapolis soit totalement morte 220 miles plus tard ? J’ai d’ailleurs
hâte de sortir le bateau de l’eau afin de faire un diagnostic complet
de visu. Pour l’instant je n’ai qu’un diagnostic par tâtonnement dans
cette eau ou la visibilité est inférieure au centimètre.

Le temps que je réagisse, que j’essaie d’en trouver une sur place, que
je comprenne que la solution que j’envisageais n’était pas
mécaniquement correcte, que je commande cette bague en France, les
jours se sont succédé. Pas de chance, le transport express
international est mal famé, cette fois nous sommes tombés sur des
incompétents doublés de menteurs ! L’enveloppe (200 gr) part jeudi 3,
vendredi 4 au soir elle est arrivée à Buenos Aires, bravo, c’est bien
du transport express, je suis confiant.

Mais à 5h samedi je reçois un message : il manque un document pour
passer la douane, il faut appeler le service client. Comment est-ce
possible, en choisissant FedEx je croyais avoir Ă  faire Ă  des
professionnel du « transport express international ».

Je ne vais pas vous saouler avec toutes mes démarches, toutes les
informations erronées de la part de FedEx (j’ai même reçu trois mails
pour me prévenir d’une livraison dans la journée, mardi, jeudi et
vendredi, qui bien sûr n’ont pas eu lieu), toutes les promesses et
délais non tenus mais ce soir je n’ai toujours pas ma bague et si tout
va bien je ne la recevrais peut être qu’en milieu de semaine
prochaine.

Il faudra ensuite prendre rendez-vous pour lever le bateau, changer la
bague et tenter de réparer le joint tournant qui fuit en espérant ne
pas trouver un problème majeur sur l’arbre d’hélice.

Les jours passent, puis ce sont les semaines qui s’enchaînent, j’avais
prévu deux mois pour arriver à Ushuaia avant de revenir en France
pendant un mois et demi, et ensuite de repartir début janvier pendant
trois mois pour remonter les canaux de Patagonie. J’ai une famille,
une femme, des enfants, des petits enfants, un travail … Ils ont
besoin de moi et j’ai besoin d’eux. L’équilibre est très important
pour moi et maintenant j’ai un problème.

Avec pour l’instant cinq semaines de retard dans mon planning plus
rien ne va. Je ne peux pas ĂŞtre parti 3 mois, faire un bref passage en
France de 15 jours et repartir pour trois mois. Cela ne fonctionne
pas, ce n’est pas raisonnable, cela ne conviendra à personne et il est
grand temps de mettre le holà. Pas facile, j’ai des copains qui ont
envie de vivre l’aventure, moi aussi d’ailleurs.

A cinq heures du matin, après avoir travaillé toute la nuit sur mon
ordinateur, sur la cartographie, sur la météo, sur le livre des routes
de grandes croisières de Jimmy Cornell, sur le niveau précis de mon
stock de médicaments dont ma vie dépend, j’ai pris ma décision : je
change de programme et je remonte sur Salvador de Bahia ou mĂŞme RĂ©cif.
Adieu le rĂŞve, adieu la Patagonie.

Je vais immédiatement bien mieux, depuis plusieurs semaines je me
sentais pris dans la nasse. J’appelle tous les intéressés pour les
tenir informés de mes réflexions. Puis la journée passant (à attendre
au poste de garde une hypothétique livraison de bague hydrolube)
d’autres solutions germes, faire convoyer Harmattan de Buenos Aires à
Ushuaia, reporter d’une quinzaine de jours tout le programme « Grand
Sud », ne pas faire partie de la première phase et ne pas passer le
Horn …

Je freine et m’arrête au bord du boulevard. Il est passé 22h en
France, j’appelle Pierre-Yves, «ça ne dort pas un Pierre-Yves à cette
heure là ? ». « Non je suis de garde ! ». Je lui parle de la solution
du convoyage. J’adore Pierre-Yves, il a la solution à tous les
problèmes, c’est comme ma bonne fée. Il va y réfléchir.

Je vais beaucoup mieux, l’abcès est percé, il n’y a plus qu’à se
battre pour trouver les solutions. Je vais aller me coucher
immédiatement car je suis mort, j’ai une nuit à rattraper et une
seconde Ă  faire.

A bientĂ´t


Jean-Louis
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