Journal de bord de l'Harmattan
Sun, 18 Sept 2016 10:00:00 - En voyage
N° 899 - Retour Ă  Piriapolis

12h en France.

Bonjour Ă  tous,

A chaque fois que je roule vers l’aéroport un sentiment étrange m’envahi. Partir, tout comme choisir induit un renoncement, un manque, une perte qui, sans atteindre le déchirement me remplie tout de même d’un sentiment étrange fait de nostalgie et de frustration.

Partir c’est quitter ma famille, mes petits enfants, les amis, mon travail que j’adore, ma maison, mes habitudes, mes loisirs. C’est rater la saison des cèpes et des girolles ainsi que les plongées avec mes garçons. Je suis un peu jaloux car ils vont accompagner Francine qui est en train de passer son premier niveau et qui, pour la première fois vendredi est descendue à 20 mètres pendant une demi-heure.

Lorsque je pars pour entreprendre une longue navigation la promesse de l’aventure et des découvertes à venir rend les choses beaucoup plus faciles. Mais cette fois, je quitte ma vie en France pour aller travailler sur le bateau à l’autre bout du monde, dans un pays où je suis seul et où la communication est rendue extrêmement difficile par la barrière des langues.

Après onze heures trente de vol je suis maintenant en escale à Sao Paulo (prononcer San Paolo) et déjà ce départ difficile est dans les rétroviseurs. Comme toujours, le voyage en solitaire m’excite et me procure cette impression de toute puissance, ce sentiment de dominer le monde.

Dans l’avion et maintenant autour de moi dans la salle d’embarquement j’entends parler en espagnole, en anglais, en portugais mais le français a disparu. Tout comme à 20 mètres sous l’eau ou bien sur Harmattan au milieu d’un océan me voilà plongé dans un autre monde où je suis seul, où je dois survivre, où je dois faire attention à tout et où je ne peux compter que sur moi-même.

Depuis tout jeune j’adore les sentiments et les émotions que me procure cette situation. Voyager en solitaire est totalement différent que de voyager à deux, avec un copain ou même en couple. Je sais que ça n’est pas commun, la plus part d’entre nous n’aiment pas la solitude et encore moins voyager en solitaire.

Pour moi le plaisir que je ressens est si intense que j’en suis presque au niveau de l’addiction et lorsqu’un copain me demande la faveur de m’accompagner pour un bout de traversée océanique je dois me faire violence pour accepter. Comment alors lui expliquer ?

Tout cela a une raison, la voici. Comme vous le savez je suis jumeau et créer deux enfants en neuf mois c’est difficile. Je pense qu’on s’applique pour le premier et le second doit être terminé un peu dans l’urgence.

L’une des erreurs a été de me doter d’une dent à la naissance (Difficile pour ma mère qui me nourrissait !!!). Cette dent est tombée au bout d’un mois et lors de la deuxième dentition il manquait une place, du coup tout à poussé de travers. Mes parents ont alors décidé de me faire porter un appareil dentaire.

Mon père travaillant à la SNCF, nous pouvions profiter du dentiste « SNCF » mais celui-ci se trouvait gare de Lyon à Paris, a une heure et demi de train. Au début mon père m’a accompagné mais il s’est très vite lassé et à partir de huit ans, tous les mercredis je prenais seul le train pour Paris vers 11 heures et je n’étais de retour que le soir.

A partir de 10 ans plus aucun voyage ne m’effrayait alors que le téléphone portable n’existait même pas et qu’à la maison nous n’avions pas le téléphone. J’allais chez ma grand-mère à Gisors, en traversant Paris pour reprendre un train gare Saint Lazare et c’est ainsi que m’est venue cette passion et même cette addiction du voyage en solitaire.

La seule chose qui m’importait lorsque je quittais la maison était de bien sentir dans ma poche de pantalon mon porte monnaie comportant quelques sous. J’étais persuadé qu’avec un peu d’argent en poche on peut traverser le monde.

Le fait de me voir si jeune capable d’affronter le monde en solitaire m’a profondément marqué. Un sentiment de confiance en moi est apparu ainsi que le goût d’entreprendre, le besoin d’affronter l’inconnu encore et encore.

Finalement je dois énormément à cette fameuse dent de lait, un énorme merci à la nature pour m’avoir si bien servi.

A bientĂ´t

Jean-Louis

PS : A propos de mon vol vers Montevideo : L’équipage vient de distribuer le petit déjeuner lorsque nous sommes pris dans des turbulences. Soudain l’avion tombe dans un énorme trou d’air et je garderais pour toujours la vision de tous les passagers en apesanteur quelques centimètres au dessus de leur siège retenus par leur ceinture, les jambes décollées, les bras tendus et au bout des bras des colonnes de liquide coloré montant jusqu’au plafond.

Lorsque la portance est revenue les cafés, jus d’orange, coca-cola …, retrouvant brusquement la pesanteur, se sont abattus sur la tête des passagers. Résultat, un avion à nettoyer du sol au plafond, des passagers hilares, d’autres avec des terres d’enterrement, traumatisés pour la vie et beaucoup de vêtement à envoyer au pressing.
Sommaire
Commentaire
Précédent
Suivant