Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 21 Jan 2014 20:00:00 - 11° 04 N, 26° 30 W
N° 760 - Unplugged



21h00 en France, 19h00 heure du bord.

Bonjour Ă  tous,

Unplugged, déconnectés, débranchés, libres, en apesanteur, comme le
titre de l’album d’Eric Clapton qui passe en boucle depuis ce matin
dans le carré et le cockpit d’Harmattan, nous ne touchons plus terre,
nous ne sommes plus branchés à rien, nous avons l’impression de
planer.

Si le paradis existe, il doit se trouver quelque part entre le dixième
et le douzième degrés de latitude Nord, plus haut c’est le purgatoire
avec des alizés violents qui ne méritent même pas ce nom et plus bas
cela peut parfois ressembler à l’enfer avec les violents orages
accompagnés de très fortes rafales de vent et d’éclairs magistraux qui
déchirent en permanence le ciel. Mais comment apprécier le paradis
sans avoir connu le purgatoire et l’enfer ? Quel débat !

Pour l’instant je goûte, je déguste, je bois à petites gorgées le
plaisir d’exister. Que c’est bon, je souhaite à tout le monde de
pouvoir passer au minimum 24 heures dans cet Ă©tat.

Le ciel est bleu, il fait chaud mais pas trop, le soleil brille, la
mer est belle sans ĂŞtre plate et insipide, des moutons tout blancs
gambades joyeusement sur son étendue et l’alizé, le vrai, l’alizé qui
fait rêver souffle entre 17 et 18 Nœuds, juste ce qu’il faut, ni trop,
ni pas assez.

Ici pas besoin de drogues, ni d’herbes, ni d’alcool, ni d’autres
substances pour planer, il suffit d’être là et d’exister. En
permanence le bateau bouge gentiment, il roule, il tangue mais
toujours avec les mouvements lents et onctueux de la mère qui berce
son enfant.

Et puis il y a ce léger ronronnement de l’arbre d’hélice entrainant
son alternateur que l’on ressent physiquement si l’on y prête
attention. Pour couronner le tout, la légère vibration du bateau
montant crescendo avec la vitesse peut également être une véritable
jouissance lorsqu’une rafale à 22 ou 23 Nœuds nous propulse à plus de
10 NĹ“uds.

Maintenant plus de claquement, plus de grincement, plus de chocs, fini
le tintamarre de la vaisselle malmenée dans les placards, seuls
quelques gémissements indiquent que le bateau travail, qu’il fait de
son mieux pour tailler la route qui lui a été assignée.

Quelle paix, quelle quiétude, disons le : quelle tranquillité ! Je
suis bien, je n’ai pas envie d’arriver, je ne suis pas pressé, je
pourrai vivre des jours, des semaines, des mois peut-ĂŞtre ainsi. Je me
contente de vivre, je n’ai pas encore ouvert un livre, pourtant
j’adore lire mais je ne peux me résoudre de perdre même ne serais-ce
qu’une heure de cette félicité.

Qu’ai-je donc fait pour mériter tout ce bonheur, peut-être tout
simplement, j’ai « décidé ». Souvent il ne suffit que de « décider ».
Combien d’entre nous rêvent leur vie mais ne sauterons jamais le pas ?
Qu’il est difficile de s’extraire de la routine quotidienne ! Au
départ il faut le vouloir puis pour concrétiser la chose, il faut le
décider.

A bord tout va bien, mon année 2013 / 2014 passée en réparations et
améliorations a porté ses fruits, plus d’odeurs de gasoil, une légère
odeur de vanille et, comme Ă  la maison les bonnes odeurs de cuisine,
café le matin, des lardons qui grillent, parfois l’odeur d’un gâteau
d’anniversaire ….

Et ce frigo XXL, que de plaisirs il m’apporte ! J’ai stoppé le second
frigo il y a deux jours, pouvant tout rassembler dans celui-ci. Il est
très grand, fait un froid intense sans consommer beaucoup d’énergie.
J’ai consacré quelques mois à sa réalisation mais aujourd’hui il
apporte énormément à mon plaisir de naviguer.

Depuis hier soir nous descendons pleine balle, presque plein sud
(195°), à peu de chose près sur la route directe. Nous avons encore
quatre jours pour profiter Ă  fond de cet endroit magique avant
d’arriver dans le fameux pot au noir.

183 Miles au compteur ce jour, 1565 Miles depuis Las Palmas, Eric
Clapton vient de ranger sa guitare.

Pour terminer, je vais essayer de vous joindre de temps en temps une
photo. Merci pour vos mails mais par contre, ne jamais m’envoyer de
pièces jointes, encore moins de photos car les communications par
satellite coûtent horriblement cher.

PJ : Photo du coucher de soleil à 11° 06 de latitude nord. Les moutons
ne sont plus là, à cette heure ils sont déjà rentrés dans la bergerie
(en train de compter sur eux même pour s’endormir d’après
Pierre-Yves).

A bientĂ´t.

Jean-Louis


"Jean-Louis,
Je ne me lasse pas de te lire et suis heureux que tu aies ton Nirvana.
Toujours très philosophe. Ton commentaire sur la volonté de decision me va droit au coeur. Suzie et moi avons decider de prendre nos retraites et de profiter du temps qu'il nous reste. Living the dream my friend.
Gilles"


Envoyé par Jean-Gilles Rosamond le 22-01-2015 à 18:16

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