Journal de bord de l'Harmattan
Sat, 06 Oct 2012 17:00:00 - 36°15N 4°32W
N° 579 - Le retour en mer d’Alborán

19H00 en France, 19h heure du bord


Bonjour Ă  tous,

HĂ© bien ça y est ! Me voilĂ  en MĂ©diterranĂ©e, en mer d’Alborán très
exactement. Pas encore mon jardin mais les caractéristiques sont bien
là. Tout est à l’arrêt. Pas de vent, pas de mer, pas de houle mais un
soleil qui tape. La mer est un véritable miroir, aussi lisse qu’une
grande bassine remplie d’eau. Des bateaux de commerce semés ici et là,
en pleine mer. Stoppés mais pas ancrés car les fonds varient entre
cinq cent et mille mètres, seulement comme figés d’un coup de baguette
magique. Même les dauphins ne sont pas les même que dans les océans,
ici ils sont cools. J’en ai doublé une bande alors que je marchais à
4.5N, ils devaient être à 4N, trop fatigués pour avoir envie de venir
jouer dans mon Ă©trave.

J’ai passé le détroit comme un suppositoire comme dirait un ami
Docteur et navigateur (Je ne trouvais pas l’image très correcte mais
j’ai la caution médicale). Quelle différence avec la nuit précédente.
Cette fois la mer était d’huile, pas de vent, j’ai mis mon alarme
collision et, mis à part quelques croisements de cargo, j’ai dormi
toute la nuit. Je me suis levé à 6h30 en passant devant Tarifa,
totalement reposé.

Le détroit de Gibraltar est très large et, jusqu’à l’entrée de la baie
d’Algésiras la circulation est facile. Même dans la baie, il y a
beaucoup moins de bateaux que lors de mon passage il y a juste trois
ans (j’étais parti de Marseille le 5 Octobre 2009). Je suis arrivé à
la pompe à gasoil avant l’ouverture. J’ai patienté car ici le diesel
est à un euro le litre. J’ai fait le plein bien entendu.

A cause de mon démarreur qui ne fonctionne plus, je n’ai pas coupé mon
moteur et j’ai repris la route immédiatement. La météo ne prévoit pas
de vent d’ici samedi prochain et samedi matin il est prévu un vent
contraire force 6. Du coup, comme je ne peux profiter d’un bon vent
pour faire la route, autant avancer maintenant.

Je vais naviguer de cap en cap, je tire donc tout droit sur le cap de
Gata, tout près d’Almeria. Cela me fait passer à une vingtaine de
Miles de la côte et c’est la route que tout le monde emprunte. J’ai
ainsi croisé plusieurs voiliers qui partent très certainement pour les
tropiques car c’est l’époque. J’en ai également vu d’autres qui
rentraient.

Ha ! Savez-vous ce qu’il y a en plein milieu de la mer d’Alborán. Non,
hĂ© bien l’île d’Alborán. Une toute petite Ă®le, qui pointe son nez Ă 
quelques mètres seulement au dessus du niveau de l’eau en partant de
fonds de plus de mille mètres. Sa position pour les fanas de Google
Earth est 35°56’350N et 3°02’100W. Elle ne mesure que 500 mètres de
long sur environ 200 mètres dans sa plus grande largeur. Il y a un
tout petit port et une plateforme pour hélicoptère. Il y a des bouées
autour pour pouvoir s’amarrer mais il faut une autorisation car c’est
une réserve naturelle intégrale. Je pense que l’on peut tout de même
se planquer lĂ  en cas de gros mauvais temps.

J’ai fait la sieste, il est maintenant 18 heures, quelle impression
étrange. Suis-je bien dans la vie réelle ou dans un film de science
fiction ? Je suis maintenant Ă  40 Miles de Gibraltar, une brume
bizarre m’entoure, limitant la vue à environ deux Miles. Tout est
laiteux, on ne peut savoir où s’arrête la mer et où commence le ciel.
Tout au long de ma route, j’aperçois des formes, ce sont des
silhouette de cargos, de vraquiers, de pétroliers, de porte-conteneurs
… Tous à l’arrêt. C’est comme si je revenais sur terre après une
catastrophe. La vie s’est arrêtée. Je vais à la cambuse constater
l’état de ma bouteille de whisky, non, ce n’est pas cela.

Je ne me souviens pas d’avoir constaté une chose pareille il y a trois
ans. Les bateaux étaient au travail dans la baie d’Algésiras. C’est
inquiétant. Est-ce l’effet de la crise ? J’ai bien peur que oui.

Tout de même 98 Miles au compteur sur la route surface malgré mon
arrêt de plus d’une heure à la pompe. Beaucoup plus en route fond
grâce au courant (et certainement une mauvaise calibration de mon
loch-speedo). Je ne suis plus ce soir qu’à environ 700 Miles de
Marseille. Ma petite semaine de vacances aux Baléares commence à se
dessiner gentiment.

A bientĂ´t.


Jean-Louis
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