Journal de bord de l'Harmattan
Sun, 03 Jun 2012 17:00:00 - 24° 59’W 16° 53’N
N° 498 - Santo AntĂŁo



19H00 en France, 16H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

Comme dans beaucoup d’endroits, au Cap Vert il y a le pire et le
meilleur. Le pire je connais déjà. Le meilleur je l’ai découvert
vendredi. Levé mâtine pour être à 7h30 au pied de la passerelle de
l’Armas, après une heure de traversée nous débarquons à Porto Novo, le
port de l’île de Santo Antão.

Le weekend commence certainement le vendredi matin car le ferry est
plein et c’est une incroyable cohue à la porte de sortie du port. Nous
faisons parti des rares touristes, la saison Ă©tant finie depuis mars
pour ne reprendre qu’en octobre. Des dizaines de chauffeurs d’«
alugers », sont massés à l’extérieur. Certains ont repéré les deux
proies que nous sommes et nous sautent dessus pour nous proposer un
tour de l’île en une journée pour 90€. Malheureusement pour eux, j’ai
potassé le « Petit Futé » et je sais que le trajet jusqu’à Ribeira
Grande, de l’autre côté de l’île coûte 4€ par personne en « Colectivos
».

Il existe deux types de fonctionnement, le « Colectivos » consiste à
partager l’« aluger », un peu comme dans un bus. Le chauffeur charge
au fur et à mesure qu’il trouve des clients. On peut également
fonctionner en mode Taxi. On est alors seul dans la voiture mais c’est
beaucoup plus cher.

Nous montons sur le plateau d’un pickup où sont installés deux bancs
et après avoir chargé quelques « lugars » (d’autres passagers), la
voiture démarre. Le vent de la course s’ajoute à l’alizé et nous
comprenons de suite que le voyage va ĂŞtre difficile. Nous longeons la
mer alors que j’aurais voulu traverser la montagne par la route de la
corde, « l’Estrada Corda ». Je comprendrais plus tard qu’une nouvelle
route vient d’être ouverte. Elle longe la côte et bien qu’étant plus
longue, elle est plate et dessert les quelques villages cĂ´tiers. Elle
est ainsi beaucoup plus pratique pour les chauffeurs.

C’est un paysage volcanique, très aride, dans des couleurs ocre et
marron. Il est clair qu’ici il ne pleut pas beaucoup car les scories
sont encore dans l’état où elles ont été déposées. Il n’y a
pratiquement pas d’érosion. Ce qui me frappe immédiatement c’est le
calme de la mer en dehors du canal entre Mindelo et Santo AntĂŁo. Le
vent est très raisonnable, entre 10 et 15 nœuds et la mer est belle.
C’est une très bonne nouvelle pour ma prochaine remontée sur les
Acores.

Nous arrivons à Ribeira Grande, petite ville d’un peu moins de 3000
habitants. Nous croisons une manifestation de parents d’élèves. Ici
aussi il y a des problèmes de fermeture de classe. Notre but est Ponta
Do Sol, et nous effectuons à pieds en longeant la mer les 4 kilomètres
séparant les deux villes. Nous sommes immédiatement séduits par cette
petite ville toute pimpante avec ses maisons peintes en couleurs
vives, jaune, rouge, bleu, vert, rose …

Tout est bien entretenu, les rues sont pavées et l’on sent un grand
dynamisme chez les habitants. Beaucoup de maisons et d’hôtels sont en
construction. Ici on a bien compris qu’il faut soigner le touriste et
non le voler si l’on veut qu’il revienne. Nous déjeunons face à la
mer. Je veux absolument rentrer par la fameuse route de la corde, j’ai
trop envie de traverser cette montagne que l’on dit si belle. Les
sommets culminent à plus de 1800 mètres et la chaine montagneuse coupe
l’île d’Est en Ouest.

J’entreprends plusieurs chauffeurs mais la négociation est difficile.
Je comprends rapidement qu’il n’y aura pas moyen de rentrer par cette
route en Colectivos et qu’il va falloir passer en mode taxi. J’arrive
quand même à négocier ce voyage pour 30€.

Nous revenons à Ribeira Grande avant d’attaquer la fameuse Estrada
Corda. Commence alors un parcourt absolument exceptionnel sur une
route qui escalade la montagne en de multiples virages. Le premier
spectacle est cette route elle-même, elle devrait être classée au
patrimoine mondiale de l’humanité, surtout ne pas la laisser se
détruire maintenant qu’elle n’est plus largement utilisée. Il a fallu
30 ans d’efforts pour la construire, elle est faite de milliards de
petits pavés taillés à la main. Les côtés sont constitués d’un petit
caniveau bordé de petites plaques verticales légèrement inclinées.

Le côté Nord de la montagne, est largement arrosé entre août et
octobre. C’est le grenier des îles du Cap Vert. Le paysage est
fantastique, d’une incroyable beauté. Toute la montagne a été
retravaillée de la main de l’homme en milliers de petites terrasses
soutenues par des murets de pierre. Dans toute la montagne sont
disséminées des petites habitations, des gens vivent ici, chichement,
difficilement, courageusement. En bas de la route nous avons pris en
stop une institutrice qui monte faire l’école dans une maison où sont
regroupés quelques élèves de cours moyen.

La route serpente de plus en plus haut. Maintenant c’est une partie
étroite et droite. Le chauffeur s’arrête pour la photo, je descends et
suis estomaqué. La route est construite sur une ligne de crête, de
chaque côté de la voiture, un petit parapet puis un précipice de près
de 1000 mètres plonge au fond d’une « ribeira ». Malheureusement nous
sommes en saison sèche et il n’y a que très peu de vert. J’aimerai
revenir après la saison des pluies, lorsque tous les verts se
disputent l’espace.

Un peu partout, des paysans travaillent avec des ânes, c’est la seule
aide sur laquelle ils peuvent compter. Le chauffeur est un jeune de 27
ans, très sympa, parlant français, nous parlons beaucoup, il
m’explique la vie de ces paysans de montagne.

Je me rends compte alors de la très grande différence de niveau social
entre les habitants des villes et les paysans. Il est communément
admis que les Cap Verdiens sont pauvres alors que ce n’est pas ce que
j’avais ressentis jusqu’à présent en restant en ville. Le nombre de
pickup double cabines rutilants et d’énormes 4X4 flambants neufs est
impressionnant. L’équivalent d’une baguette de pain est à 0,90€ et les
canettes de bière de 25 Cl sont à 1,30€ dans les cafés où elles sont
largement consommées.

Nous retournons Ă  Santo AntĂŁo demain pour y passer trois jours, faire
de longues randonnées et nous imprégner un peu plus de ce cadre
magnifique.

A bientĂ´t.

Jean Louis
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