Journal de bord de l'Harmattan
Mon, 12 Sept 2011 13:30:00 - 81° 38’E 1° 22’N
N° 355 - Un dĂ©part viril

15H30 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

L’océan Indien ne faillit pas à sa réputation, le début de cette
balade est viril, ce n’est pas un temps de demoiselles.

Contrairement à ma période sous dialyse où je pouvais dîner puis me
coucher dès la nouvelle quotidienne envoyée, maintenant je dois
attendre 20h pour prendre mes antis-rejet. Ils se prennent
impérativement à 8h du matin et à 20h le soir.

Hier soir, dès que l’alarme de mon portable retentit me précisant que
c’est l’heure de prendre mes médicaments je les avale, dîne d’une
pomme et me jette dans la couchette de quart (couchette du carré sous
le vent). Le bateau marche bien, dans la soirée j’ai pris un deuxième
ris dans le génois pour être tranquille cette nuit.

A 22h30, je suis tiré de mon sommeil par le sentiment qu’il se passe
quelque chose. Le gîte est très important et le bateau n’arrête pas de
prendre des grandes claques qui le font trembler de la poupe Ă  la
proue. Je m’extraie difficilement de ma couchette et monte tout aussi
difficilement dans le cockpit pour constater qu’ici on joue «
cavalcade effrénée dans l’écume ». Le vent à forcit d’une façon
importante et le bateau fonce entre 8 et 9 nœuds, le passe-avant
bâbord sous 30 centimètres d’eau et d’écume blanche. Il est grand
temps de faire quelque chose. Je prends immédiatement un troisième ris
dans le génois. La grand voile est au deuxième ris. J’en profite pour
lofer de 10 degrés et améliorer ma route avant d’aller me recoucher.

A minuit et demi, l’alarme du radar retentit, c’est un gros orage qui
arrive sur nous. Vite dans le cockpit. Il n’y a plus du tout de vent,
la mer est totalement plate et Harmattan est en train de bouchonner.
Je mets immédiatement un coup de moteur pour remettre le bateau sur
son cap, il était temps car les éléments se déchaînent aussitôt et il
vaut mieux ĂŞtre dans le sens de la marche.
Tout d’un coup, le vent se met à souffler en hurlant et en piaulant.
Je n’ai pas d’anémomètre mais je pense qu’il doit bien avoir entre 40
et 50 nœuds. C’est extrêmement violant, le bateau se couche
instantanément et part comme une fusée entre 8 et 9 nœuds, les
chandeliers sous l’eau et la mer pénétrant dans le cockpit en passant
par-dessus les hiloires. J’ai déjà trois ris dans le génois, inutile
de chercher de ce côté, je me contente d’ouvrir la grand voile pour la
mettre dans le lit du vent. On fonce quand même très vite. Il se met
alors à tomber du ciel de véritables trombes d’eau. Après une dizaine
de minute, ça se calme mais le vent reste soutenu, je retourne dans ma
couchette après avoir repris mon écoute de grand voile.

A deux heures et demi, je me réveil, que se passe-t-il ? C’est
anormalement calme tout à coup. Je sors et découvre que la mer est
toute plate et qu’Harmattan file à 5 nœuds sous une petite brise
régulière. Je corrige le cap et retourne au lit.

J’ai toujours été étonné. On s’attend, lorsque l’on est dans un
endroit avec des grosses vagues et beaucoup de vent, Ă  ce que tout se
réduise progressivement. Hé bien non, souvent tout s’arrête
brutalement. Je me souviens, ĂŞtre en train de remonter la cĂ´te sud est
de la Corse. Comme tous les autres voiliers, je portais peu de toile
et le bateau était couché sur l’eau. Puis en passant une ligne
imaginaire perpendiculaire Ă  la cĂ´te au large de la pointe Chiapa,
tout d’un coup, le bateau s’est redressé et les voiles pendaient
lamentablement. De ce côté-ci de la ligne, les bateaux portaient le
spi.

A 6h30, nouvel orage. Il dure une demi-heure puis je retourne me
coucher. Mais à 11h, c’est un mastodonte qui arrive. Très, très
impressionnant, il faut avoir vu cela une fois au moins dans sa vie.
Le spectacle est grandiose, la production n’a pas mégotté sur les
effets spéciaux. Le vent est énorme et la pluie est torrentielle.
Celui lĂ  dure trois heures, parfois cela diminue un peu pour repartir
encore plus fort. Sur l’avant, je ne vois pas plus loin que le mat. La
mer est, elle aussi, de la partie et envahit le cockpit. Je suis très
impressionné, je n’ai pas peur car j’ai confiance en mon bateau mais
les éléments sont déchainés et c’est beau à voir.

Pour ma part, je survie depuis trois jours, je suis trempé en
permanence, je me jette trempé sur ma couchette, je dors trempé, je
vie au minimum comme un rat dans son trou. Je ne me suis pas lavé, pas
changé, à quoi bon, mes habits propres seraient trempés dans l’heure
qui vient. J’attends que cela passe. Au niveau nourriture, c’est
service minimum, hier midi une boîte de thon mangé directement dans la
boîte avec une petite cuillère, un morceau de fromage et une crème.
Hier soir, une simple pomme, ce midi une petite boîte de maïs mangée à
la cuillère, un morceau de fromage et une crème. Heureusement que j’ai
des réserves abdominales. Dans le bateau je ne peux pas faire
grand-chose avec cette gîte et ces mouvements brusques et désordonnés.
Je ne peux mĂŞme pas rester dans le cockpit car entre la pluie et les
assauts perfides de la mer cela ruisselle. Je ne suis bien que dans ma
couchette.

Cet après-midi, cela va mieux, j’ai pu aller ranger le pont. Cela m’a
permis d’enlever les pares-battage et les amarres au prix d’un bain
chaud salé.

Voilà une journée qui se termine, j’espère que la nuit va être calme.
140 miles sur les 24 dernières heures, j’espère passer l’équateur
demain après midi.

A bientĂ´t

Jean Louis


"c'est sous un ciel bleu et soleil que je vous envoie un petit coucou de Cormeilles ce matin j'ai aperçu l'écureuil il doit chercher des noix le coquin ! dur dur capitaine cet orage bon courage bisous"

Envoyé par marie maryse le 14-09-2011 à 11:35

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