Journal de bord de l'Harmattan
Mon, 05 Sept 2011 15:30:00 - 80° 13’E 6° 02’N
N° 348 - Le bagne Ă  Galle



17H30 en France, 21H00 heure du bord
80° 13’E 6° 02’N

Bonjour Ă  tous,

Ce n’est plus de la plaisance, c’est carrément le bagne. Des journées
comme celle-ci, on aimerait bien ne pas naviguer en solitaires. Encore
une fois je suis exténué par cette éprouvante journée et j’avais hâte
de me jeter derrière mon ordinateur pour enfin me reposer.

Ce matin je me suis occupé du pont, rangé l’ancre secondaire et sa
chaine, mis de l’ordre dans les amarres en laissant le strict
nécessaire puis j’ai refixé l’instrument girouette-anémomètre que
j’avais rapporté pour le contrôler. Ensuite je suis monté en haut du
mat pour remettre en place l’aérien de cet instrument. Maintenant j’ai
bien la direction du vent mais pas encore sa force, j’ai dû trop
enfoncer la petite roue ajourée qui permet au microordinateur de
calculer la force du vent. Je vais devoir remonter en tĂŞte de mat pour
redescendre l’aérien, l’ouvrir et réparer puis remonter à nouveau le
remettre en place. C’est beaucoup de travail, cela attendra bien
d’être à la Réunion, la force du vent je peux l’estimer, j’ai assez
d’expérience pour pouvoir gérer cette absence.

Cet après midi j’ai commencé l’avitaillement. Tien, au fait, certains
se posent la question sur la différence entre avitailler et
ravitailler. Avitailler consiste à approvisionner un aéronef ou bien
un navire en effectuant tous les pleins, carburant, eau, munitions
éventuellement, nourriture, linge, vaisselle, produits d’entretien …
Le ravitaillement consiste à faire un réapprovisionnement, par exemple
on parle de ravitaillement en vol.

J’ai donc commencé par la corvée la plus pénible, le plein de Gasoil.
Le moteur principal à tourné 40 heures depuis mon arrivée au Sri Lanka
(exclusivement pour procéder à la recharge des batteries). Un premier
voyage pour rapporter 40 litres de gasoil n’a pas suffit, j’en ai
encore fait tenir 20 litres et il me reste un jerrican de secours dans
le coqueron. J’ai horreur de cette corvée, c’est sale, ça pue et pour
moi c’est extrêmement physique. Il faut que je vous dise qu’entre le
quai où j’atterrie avec mon annexe et la porte d’entrée du port où je
retrouve mon tuk tuk, il y a entre trois et quatre cents mètres à
parcourir (a pieds bien entendu) en plein cagnard avec une partie
totalement défoncée.
Rapporter dans ces conditions 80 litres de gasoil frise l’exploit.

Comme cela ne m’avait pas suffit, j’ai enchaîné comme au triathlon par
la corvée de bouteilles d’eau. C’est un tout petit peu plus sympa, ce
n’est pas sale et ça ne pue pas mais pour le reste c’est idem. Par
sécurité je table sur 25 jours de traversée mais j’espère en mettre
beaucoup moins. Il me restait Ă  bord, environ 20 bouteilles (de 1,5
litre) que j’avais approvisionné à Singapour. Je veux pouvoir
consommer deux bouteilles par jour, aussi comme il s’agit de pack de
12 bouteilles, j’en prends trois, puis me ravise et en achète un
quatrième pour plus de sécurité. Un pack de 12 bouteilles fait dans
les dix neuf kilos, c’est plus lourd qu’un jerrican de gasoil plein.
Ce soir j’ai donc 68 bouteilles de 1,5 litre à bord. J’ai réorganisé
mes stocks pour consommer en priorité les bouteilles les plus
anciennes et comme je vais descendre jusqu’à l’équateur tribord amure,
j’ai surtout chargé les coffres tribord pour mieux équilibrer le
bateau.

Je me sens fourbu et fatigué mais j’ai l’impression qu’à force de
demander beaucoup Ă  ce corps, il est en train de reprendre totalement
vie. Je n’ai plus ces moments de réel épuisement comme les premiers
jours. Lorsqu’il y a quelque chose à faire, je me lève vivement pour
l’effectuer alors qu’il y a quelques jours je devais prendre sur moi.
C’est vraiment formidable un corps et cela montre encore une fois
qu’il ne faut jamais baisser les bras et, au contraire, s’arracher
pour se forcer à vivre. Pour vivre il faut bouger, çà c’est certain.

Voilà pour aujourd’hui, demain j’approvisionne la nourriture et
normalement je prends la mer mercredi matin.

Ha ! Un dernier mot pour mes amis pĂŞcheurs. Ils seraient fous ici,
outre le fait que la mer et remplie de poissons, thons, dorades
coryphènes, barracudas … lorsque je vais à terre avec mon annexe, il y
a un endroit où la mer bouillonne réellement tout autour de moi. Ce
sont des centaines de petits poissons, de 7 à 8 centimètres. Quelle
belle friture on pourrait faire !

A bientĂ´t.

Jean Louis
Sommaire
Commentaire
Précédent
Suivant