Journal de bord de l'Harmattan
Mercredi 8 octobre 2025, Ă  17 h TU, 19 h en France - A Belleroche
N° 1412 - Le rĂ´le de l’aidant

Bonjour Ă  tous,

Ma néphrologue m’a demandé d’écrire un article sur le rôle de l’aidant pour la revue Renif. Voici l’article en avant-première.

Point de vue du malade (Jean Louis) :

Le rôle de l’aidant ! Difficile pour moi de l’évoquer alors que j’ai passé les 22 mois qu’a duré ma première période de dialyse seul au milieu des océans sur mon voilier en me dialysant trois fois par jour et en effectuant 80% du tour du monde.

Cependant j’ai une idée précise sur le rôle de la personne qui partage la vie du malade. La clef du bonheur, la clef pour continuer à vivre une vie normale est conditionnée par l’acceptation pleine et entière par le malade et par le ou la partenaire de la maladie.

J’ai rencontré un couple dont la femme n’acceptait pas la dialyse péritonéale de son mari. Elle lui interdisait de se dialyser en partageant les repas ou en regardant la télévision. Sa petite pièce de dialyse était devenue une prison et leurs vies également.

Francine, mon épouse, a tout comme moi, accepté la maladie. Elle est maintenant « normale » dans notre vie. Mon épouse est devenue un pilier en béton sur lequel je peux m’appuyer en toute confiance.

Elle est devenue ma secrétaire, elle a ouvert un gros classeur par spécialité, néphrologie, cardiologie, dermatologie, pneumologie … Elle y range tous les documents et elle peut ressortir des éléments anciens à tout moment. Elle gère mes médicaments, mes piluliers, mes rendez-vous. Elle s’est occupée de monter tout mon dossier de greffe…

Elle est devenue également mon infirmière, tous les soirs, elle refait mon pansement et elle prend ma tension. Lorsque je dois me piquer à l’EPO, elle prépare la seringue. Lorsque je me dialyse en roulant, elle tient la poche sur le pare-soleil. Lorsqu’on me retire un petit cancer de peau, l’infirmière vient les premières fois, puis elle prend le relai et nous restons indépendants.

Tout ce qu’elle fait me soulage énormément, aussi bien dans mon temps que dans ma tête. Pour ma part je n’ai à m’occuper que des dialyses elles-mêmes. Vivre la vie à deux est bien plus efficace pour l’affronter que seul chacun de son côté.

Grâce à cette force, nous continuons à vivre normalement malgré la dialyse. L’an passé nous sommes montés jusqu’au Spitzberg (près du pôle Nord). Ce fut un voyage magnifique.

Nous avons Ă©galement rĂ©alisĂ© un voyage Ă©tonnant, 1250 km en voiture, deux jours de ferry pour passer 8 jours sur les Ă®les FĂ©roĂ© (entre l’Irlande et l’Island) et puis retour Ă  la maison. Ŕ deux la dialyse permet de vivre tout Ă  fait normalement.

Point de vue de l’aidant (Francine) :

Il y a de nombreuses catégories d’aidant. Pour moi l’aidant est la personne qui s’occupe d’un malade grabataire. Cela m’impressionne, quel courage, que d’amour !

Pour ma part je n’ai pas l’impression d’être une personne aidante. Je vis en couple avec mon mari et, dans la vie, nous avons l’habitude de tout partager, les difficultés comme les bonheurs. Il y a 53 ans, lorsque nous nous sommes mariés, nous nous sommes promis de nous aider et de prendre soin l’un de l’autre.

Nous aimons travailler ensemble, bricoler ensemble, vivre ensemble tout simplement. Je l’ai aidé dans sa vie professionnelle qui a été extrêmement intense, je l’ai laissé vivre ses passions. C’est un aventurier, lorsqu’il a décidé de traverser l’Atlantique en solitaire en se dialysant trois fois par jour, je l’ai encouragé. Il n’avait pas besoin de moi.

Mais à l’époque il avait 60 ans. Depuis deux ans et demi, il est à nouveau dialysé, et l’âge étant là (75 ans), les besoins médicaux sont beaucoup plus importants. La dialyse elle-même n’est pas une contrainte, il pratique celle-ci pendant la prise des repas et c’est totalement transparent.

Cependant le nombre de visites à caractère médical est énorme. Entre les visites à l’hôpital, au laboratoire d’analyse, chez le radiologue … nous sommes à plus d’une centaine par an, soit en moyenne deux visites par semaine. C’est extrêmement chronophage.

Je ne l’accompagne pas au laboratoire, il n’y a pas lieu. Mais je l’accompagne à toutes les autres visites, c’est très important pour moi. Cela me permet de connaître sa santé parfaitement. S’il y a des décisions à prendre, nous sommes ainsi à même de les prendre à deux.

La confiance des soignants, des médecins comme des infirmières, est pour moi primordiale. J’ai besoin de connaître au maximum tout ce qui concerne mon mari. Lorsque nous partons loin, j’ai besoin de pouvoir exécuter des actes relativement urgents qui normalement devraient être réalisés à l’hôpital. C’est la condition indispensable pour assurer notre liberté et pour vivre une vie normale.

En conclusion on ne peut pas réellement me qualifier d’aidant, je n’ai pas affaire à une personne grabataire, mon mari vit tout à fait normalement.

A bientĂ´t
Jean-Louis
Sommaire
Commentaire
Précédent