Journal de bord de l'Harmattan
Jeudi 29 juillet 2021 à 8h00 TU, 10h00 en France - Dans le TGV Nîmes / Paris
N° 1298 - A ceux qui rĂŞvent de Grande Croisière



Bonjour Ă  tous,

Les fakes news et les exagérations sont partout.

Je viens de passer une dizaine de jours sur mon bateau et, Navy Services étant « le » port de ceux qui pratiquent la Grande Croisière, les histoires de mer circulent. Beaucoup ont tendance à pousser un peu le curseur. Hier, un couple me raconte qu’ils voulaient aller en Patagonie mais des amis à eux les ont découragés. Ils y avaient parait-il rencontré des conditions dantesques ! Je les ai bien vite détrompés car cette région étant constituée de canaux la mer n’y est jamais grosse.

Comme beaucoup, étant jeune j’avais envie de découvrir le monde. Pour ma part j’ai préféré réussir ma vie professionnelle avant de réaliser ce rêve. Mais, comme tous je me suis informé, j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver afin de me faire une idée de ce qui m’attendais. J’ai eu l’énorme chance de lire « Trois océans pour nous trois » de la famille Joinville. Quel étonnement d’y lire que naviguer à travers les océans n’était pas plus dur n’y plus risqué que de naviguer en Méditerranée.

Aujourd’hui je veux témoigner afin de renvoyer l’ascenseur et permettre aux futurs explorateurs d’océans de se faire une idée juste de ce qu’ils vont rencontrer. Lorsque j’ai totalement reconstruit Harmattan j’ai installé un compteur (loch speedo) neuf. Aujourd’hui il affiche 70 000 Milles nautiques. Pour situer l’expérience que cela me donne il faut comparer cette distance à la circonférence de la terre qui est de 21 600 Milles. On estime cependant qu’un tour du monde en voilier correspond à un parcours de 23 à 24 000 Milles. Je suis descendu jusqu’à 56 degrés de latitude Sud, le Cap Horn et avant Harmattan j’avais déjà eu de nombreuses expériences avec des voiliers de location.

La météo en mer est exactement comme sur terre, si l’on veut profiter pleinement des moments passés en mer il faut respecter les saisons. Un exemple : si je veux traverser Paris en courant, habillé d’un simple maillot de bain, cela pourrait être très agréable au mois d’aout mais pas du tout en janvier ou en février. C’est exactement la même chose en mer, il faut planifier ses voyages en respectant les fenêtres climatiques.

Il faut également partir sur un voilier très marin, l’idéal étant un monocoque très bas sur l’eau avec un avant et un arrière bien relevé, un mât assez court et une grande bôme. Pour ce type de bateau une grosse rafale de vent ou une mer très formée n’est jamais un problème.

Souvent on me demande avec avidité « Tu as rencontré des tempêtes ? ». Je suis toujours embarrassé pour répondre. Tout d’abord qu’est-ce qu’une tempête ? L’amiral Francis Beaufort l’a décrit très précisément. Le premier paramètre est la force du vent. Lorsqu’un plaisancier dit « J’ai eu 40N de vent » il faut réduire sensiblement ce chiffre, c’était peut-être 30N ou même simplement 20N. Il a eu une rafale à 40N mais le vent subit est la moyenne des vitesses du vent sur dix minutes, ce qui change tout.

En effet ce n’est pas la vitesse d’une rafale de vent qui produit l’état de la mer. Cet état est la résultante de trois paramètres, la vitesse moyenne du vent, la durée et le fetch (la distance du plan d’eau qui subit ce vent). Plus chacun de ces trois paramètres sera élevé et plus la mer sera grosse. Sir Francis Beaufort décrit la tempête avec un préalable : « Une condition exceptionnelle ». Il précise qu’à terre il y a des « Dégâts aux bâtiments, les toits sont susceptibles de s’envoler. Certains arbres sont déracinés » et le vent souffle entre 48 et 55N.

Pour ma part, dans ma vie de marin, je n’ai vécu qu’une seule tempête avec 50N de vent établi et des rafales à 70N. C’était au large d’Athènes, à terre des bateaux sont tombés de leur ber et il y a eu des dégâts importants. Pour ma part j’ai pris la cape sèche, j’ai bien saucissonné la grand-voile avec une écoute, j’ai bloqué la barre à fond et je suis allé me reposer à l’intérieur en attendant que cela passe. Lorsque je suis arrivé au port le lendemain les bateaux étaient tous abimés, balcons tordus, coups sur la coque ...

Mais le sentiment de subir une tempête est très subjectif, il dépend du bateau, du skipper et de l’équipage. Pour certain elle est déjà là quand le vent souffle à 20N à la sortie du port. Avec Harmattan un vent de force 7 au portant représente des conditions de navigation très favorables alors qu’avec un catamaran ou bien avec un monocoque à large franc-bord et beaucoup de fardage il peut en être tout autrement.

En conclusion, en grande plaisance il est extrêmement rare de rencontrer de très mauvaises conditions en mer si l’on respecte les fenêtres météo favorables. Puis, si cela arrive, et que l’on navigue sur un bateau « marin » la mise à la cape sèche est une bonne solution. J’ai dû prendre la cape sèche une seconde fois dans le courant des Aiguilles au large de Port Elisabeth avec un simple vent de force 7 mais opposé au courant qui est de 6N à cet endroit.

Alors n’hésitez pas, relativisez les histoires de ponton, la grande croisière est à la portée de tous.

Je suis maintenant en train de remonter mes planchers et je vais démâter afin de vérifier tout mon grément dormant.

A bientĂ´t
Jean-Louis
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