Journal de bord de l'Harmattan
Samedi 29 Mai 2021 Ă  17h00 TU, 19h en France - A Port Saint Louis du RhĂ´ne
N° 1290 - Ces objets qui ont une âme



Bonjour Ă  tous,

On ne sait pas pourquoi certains objets, certaines réalisations humaines, certaines créations, naissent avec une âme. C’est très rare, est-ce un hasard ? Est-ce lié à une configuration des astres ? Est-ce que leurs auteurs sont dans un état second, habités par les esprits, touchés par la grâce ? Personne n’a la réponse, on ne peut que constater le fait. Il en est ainsi du tableau « La Joconde » peint par Léonard de Vinci.

Au lycée j’étais très doué pour les matières scientifiques mais totalement nul dans les domaines littéraires. Régulièrement nous devions passer des weekends à composer des « dissertations » sur divers thèmes. Pour moi c’était douloureux et malgré toute ma bonne volonté mes notes pouvaient à chaque fois s’exprimer sur les doigts d’une seule main.

Un jour le prof nous donne le sujet : décrivez le tableau « La Joconde ». Ce fut pour moi une révélation, ce tableau avait une âme. A l’heure des résultats qui étaient donnés par ordre ascendant des notes j’ai pensé qu’il avait perdu ma copie. Enfin vint le dernier nom, c’était moi avec un 18 !!!! Du dernier des derniers je devenais soudain meilleur que les premiers. Quel étonnement, quelle découverte, je pouvais être bon en décrivant ce que je voyais, ce que je ressentais. Dans la vie nous rencontrons des révélations, il ne faut pas les rater, c’est trop important pour notre trajectoire.
En 1997 j’ai eu la même réaction en marchant sur le quai de La Nautique à Marseille et en découvrant Harmattan à une trentaine de mètres devant moi. Immédiatement j’ai compris que ce bateau avait une âme et que je devais le sauver. Avant de pouvoir le remettre à l’eau et en profiter j’ai investi 9 années de ma vie, 15 000 heures de travail pour le reconstruire entièrement. Beaucoup ne comprennent pas, très souvent on me demande pourquoi je n’ai pas acheté ou construit un bateau neuf, le travail aurait été beaucoup moins important.
C’est vrai mais j’aurais alors eu un bateau sans âme, pas pour moi. Aujourd’hui après ces dizaines de milliers de milles parcourus, Harmattan s’est usé, a pris des coups, beaucoup d’UV qui brulent tout. Il a séjourné dans des endroits où l’humidité était permanente. Il a besoin d’une grande rénovation. Il nécessite à nouveau une reprise complète. C’est beaucoup de travail et l’âge venant je ne suis plus aussi performant. Pendant ce temps je ne navigue pas mais je dois tout faire pour qu’il continue d’exister.
J’aime travailler sur ce bateau, j’aime l’entretenir, l’améliorer, le refaire propre car, grâce à son âme, il est éternel. C’est la différence avec un objet sans âme.
J’avance bien, j’ai trouvé une peinture époxy spécialement conçue pour étanchéifier l’intérieur des réservoirs à gasoil. Ce n’était pas absolument nécessaire mais je préfère faire beaucoup trop qu’un tout petit peu pas assez. J’ai terminé tous les accessoires, 6 trappes de visites, les systèmes de remplissage, de transfert entre réservoirs, piquages, retours, jauges, mises à l’air, contacts de niveau, … en tout plus de 30 trous dans les réservoirs et les trappes aux quels il faut ajouter plus de 200 trous dont la moitié équipés d’écrous à vis pour fixer lesdites trappes !!! Je vais maintenant pouvoir fermer et sceller les couvercles puis installer les réservoirs dans le bateau.
Grâce à une planche en chêne j’ai réalisé une varangue structurelle que je vais stratifier entre les deux réservoirs sur la coque du bateau. En effet je dois revoir tout le barottage au-dessus des réservoirs avant de pouvoir reposer les planchers.
J’ai presque terminé de meuler l’avant de la quille. Elle avait été abimée par des récifs au large de Majorque mais également lors de la tentative de mise à terre du bateau à Panama. Je n’aurai pas dû laisser ce chantier tenter cette opération. J’ai commencé à poser de l’enduit. Je dois obtenir une belle forme avant de me lancer dans la stratification. C’est extrêmement satisfaisant d’atteindre les objectifs que je m’étais fixé. Tous les soirs, lorsque je me couche, je suis content du travail accompli et de l’avancement des travaux.
A bientĂ´t
Jean-Louis
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