Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 25 Apr 2018 00:00:00 - 19°29’N 83°48’W
N° 1115 - Pauvre petite hirondelle triste



19h00 heure locale, 0h00 TU, 2h00 J+1 en France
19°29’N 83°48’W

Bonjour Ă  tous,

Je suis toujours un peu effaré par le destin des petites hirondelles.
Elles sont belles, elles sont aimées de tout le monde, elles sont très
proche de l’être humain et leur vol est gracieux et élégant. De plus
elles arrivent toujours avec les beaux jours et nous les associons
forcément à une période de l’année agréable à vivre.

Malheureusement pour en arriver lĂ , elles empruntent deux fois par an
la longue et dure route des migrations. Avant, en tant que terrien, je
ne m’imaginais pas ce que cela représente. Pour moi c’était un fait,
c’était un mot, c’était l’ordre naturelle des choses et c’est tout.

Mais, depuis que je traverse les océans, je me trouve confronté
régulièrement à l’énorme défi que représente ces très longs voyages.
Par trois fois une hirondelle a atterrie épuisée sur le pont
d’Harmattan puis a cherché une place dans la cabine afin d’y mourir en
paix pendant la nuit.

Hier matin j’ai ainsi retrouvé une petite hirondelle morte dans le
bateau. Mais contrairement à d’habitude, celle-ci était en couple et
depuis sa compagne ou son compagnon ne veut plus quitter Harmattan.

Hier d’autres hirondelles l’accompagnaient, elles voletaient autour du
bateau en pépiant, elles venaient se poser à côté d’elle pour la
réconforter mais hier au soir elles ont repris leur route, laissant la
malheureuse seule Ă  son chagrin.

Ce matin je m’en occupe, je lui prépare une soucoupe avec de l’eau, je
sème des miettes de gâteau qu’elle goute tout de même. Je lui parle,
elle vient se poser à moins d’un mètre de moi mais je me demande si
elle a vraiment envie de vivre.

Pendant le déjeuner elle se pose juste à côté de moi, sur un tas de
cordages. Ses yeux sont fermés en permanence. J’aimerai bien qu’elle
boive, qu’elle se baigne dans la soucoupe, qu’elle mange, comment
faire ? Mais en tout début d’après-midi son âme s’envole vers le ciel
et son petit corps roule au pied du tas de cordages.

Depuis hier soir l’alizé m’a quitté, je suis maintenant dans cette
tranche de vents variables entre l’alizé venant de l’Est et les vents
d’Ouest. En fait l’endroit est actuellement au cœur d’un anticyclone
et le vent est totalement nul (entre 2 et 4 NĹ“uds). Je pense en avoir
pour plusieurs jours.

Le moteur tourne au ralenti, inverseur enclenché, et comme la mer est
aussi plate qu’une crêpe Harmattan avance doucement entre 3 et 4 Nœuds
sans consommer beaucoup de gasoil. Heureusement, un courant d’un peu
moins que 2 NĹ“uds maintenant favorable, me permet de progresser avec
une vitesse fond d’environ 5 Nœuds.

A l’intérieur tout est calme et il ne fait pas trop chaud car tout est
ouvert. Je n’ai qu’à me laisser vivre. Que c’est bon ! La liseuse
fonctionne à fond, que j’aime ces moments de tranquillité absolue,
c’est exactement ce que je viens chercher. Ce midi j’ai tout de même
pris le temps de cuisiner des pommes de terre sautées avec une côte de
porc. Miam !

Je suis ce soir Ă  environ 150 Miles de la pointe Ouest de Cuba, le
compteur journalier qui ne compte pas les miles apportés par le
courant indique 99 Miles et 609 Miles depuis Panama.

Avec le soleil couchant un nouveau couple d’hirondelles est arrivé,
elles ont prix leurs quartiers dans le cockpit pour la nuit.

A bientĂ´t


Jean-Louis
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