Journal de bord de l'Harmattan
Tue, 28 Feb 2017 22:00:00 - A Caleta Playa Parda 53°18S 73°00W
N° 972 - Grandiose Caleta Playa Parda



19h00 heure du bord, 22h00 TU et 23h00 en France.


Bonjour Ă  tous,

Notre premier contact avec cette indentation dans la cĂ´te Nord du
Détroit de Magellan, et plus précisément dans le Paso Largo, est assez
viril. Ce grand bassin à peu près circulaire d’environ 400 mètres de
diamètre se situe sur Isla Riesco. Une première partie d’environ 500
mètres le protège de la mer puis un étroit goulet d’une soixantaine de
mètres de large, bordé de petites falaises, permet l’entrée.

Nous arrivons là hier soir vers 19 heures, fatigués par cette longue
navigation et le temps qui se dégrade. Depuis une demi-heure le vent
commence Ă  souffler assez fort et la pluie arrive, elle est froide,
fine et violente, cingle les visages et les mains. Les hautes
montagnes noires se devinent difficilement tant elles sont noyées dans
les nuages gris, les brumes et toute cette humidité.

L’entrée dans la première baie est sinistre, impressionnante, et donne
un sentiment de fin du monde. On a vraiment la sensation de pénétrer
dans les entrailles de la montagne, de passer une porte vers
l’inconnu, de rejoindre ce qui pourrait bien être l’enfer.

Lorsque nous arrivons devant l’étroit goulet des vents de face
dépassent les 30 N, la pluie piquante nous assaille par vagues
successives et nous découvrons un plan d’eau vaste mais balayé par les
rafales qui dégringolent de la gigantesque falaise de granit.
Heureusement la profondeur est de dix mètres à peu près partout et le
sol de boue est de bonne tenue.

J’envoie l’ancre et je déroule 70 mètres de chaîne. Harmattan tire
comme un fou sur celle-ci. Vite un cordage tourné au taquet de
remorquage passé dans un maillon de la chaine pour soulager le
guindeau et je rentre dans le cockpit me mettre à l’abri.

Heureusement, pour nous distraire nous avons une trentaine d’oursins
que Nico a préparés avec amour et des pates de crabe de près de 4 cm
de diamètre. C’est un festin de roi. Mais régulièrement Harmattan est
pris dans d’énormes rafales qui le font giter brusquement et il faut
observer par les hublots le rivage afin d’estimer la bonne tenue de
l’ancre.

Nous avions prévu de repartir à 4h du matin mais nous ne nous
attendions pas à une telle nuit. L’équipage est en éveil permanent
devant la fureur du vent. La question que tout le monde se pose est :
« L’ancre va-t-elle tenir ? ». Les forces exercées sur le bateau sont
énormes puis en fin de nuit les éléments commencent à se calmer.

En milieu de matinée un grand ciel bleu apparaît, le soleil brille et
nous pouvons enfin découvrir la beauté et la grandeur de l’endroit. Au
premier plan, une première colline de granit cache certainement un lac
puis au deuxième plan cette falaise de granit verticale sur plusieurs
centaines de mètres est grandiose.

Comme partout en Patagonie du Sud, de nombreuses cascades tombent Ă  la
verticale sur les flancs de la montagne. Leur débit est directement
lié à la quantité de pluie. S’il pleut ou s’il vient de pleuvoir elles
peuvent être majestueuses alors que, quelques heures après la pluie
(lorsque cela est possible), elles se tarissent presque.

J’ai passé la matinée à bricoler. J’ai remis en marche le
déssalinisateur car un robinet resté ouvert nous a malencontreusement
privés d’une grande quantité d’eau douce. Nous aurions dû profiter du
soleil matinal pour aller en exploration Ă  terre car il se remet Ă 
pleuvoir et cela dure tout l’après-midi.

Vers 18 heures nous ne pouvons toutefois résister. Nous prenons
l’annexe et partons à terre afin de découvrir ce fameux lac.

Nous ne pourrons repartir que lorsque la météo nous proposera une
grande journée de vents favorables car le prochain abri est dans 55
Miles.

A bientĂ´t


Jean-Louis
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