Journal de bord de l'Harmattan
Fri, 24 Feb 2017 22:00:00 - 53°57S 71°36W
N° 968 - Estrecho de Magallanes



19h heure du bord, 22h TU et 23h en France.
A Caleta Hidden

Bonjour Ă  tous,

Nous sommes entrés ce soir dans le fameux Estrecho de Magallanes, le
Détroit de Magellan. C’est un grand moment. Comment aurais-je pu
imaginer en 2009, lorsque mon néphrologue m’a annoncé le moment de la
dialyse arrivé, que je conduirais un jour Harmattan, mon bateau, dans
cet endroit du monde si reculé ?

Je pensais alors en désarmant mon bateau que ma vie de liberté était
terminée. Un jour sur deux branché sur une machine en étant allongé
sur un lit d’hôpital, trop dur pour moi.

Merci la médecine, merci la dialyse péritonéale, merci la greffe,
merci le don d’organe, merci les médecins, les chirurgiens, les
infirmières et tous ceux qui m’ont permis d’être là aujourd’hui. Et
surtout un grand merci Ă  la famille de cet inconnu dont un des reins
continue à vivre une vie, une vie d’aventures avec moi. Quel dommage
que cette famille ne puisse pas savoir, ne puisse pas être fière de ce
don, ne puisse imaginer qu’il m’a permis de vivre une seconde vie
pleine de bonheur.

Nous sommes partis de Puerto King ce matin à 7h20 et immédiatement
j’ai retrouvé une communication satellite me permettant de prendre la
météo. La matinée est un enchantement, pour une fois il fait beau, la
mer est d’huile et le soleil fait étinceler les neiges éternelles et
les glaciers de la chaîne de hautes montagnes sur notre tribord,
l’autre face de la cordillère Darwin.

Que c’est beau, le mariage de la mer et de la neige, ces fjords
étroits qui serpentent entre ces hautes montagnes, la végétation dense
des altitudes inférieures, la lumière si particulière filtrée par des
brumes légères. Tout est surprenant, tout est si inhabituel, tout est
grandiose, tout est sauvage, quel bonheur d’avoir la possibilité de
vivre de tels moments.

Nous remontons le Canal Magdalena, et la baie qu’il forme est pour
moi, dans ce soleil, un des plus beaux endroits depuis notre départ.
Sur notre tribord le Pico Sarmiento nous domine avec ses 1584m et
présente un sommet finement ciselé, éclatant de blancheur. Nous
passons de longues minutes à le photographier mais l’appareil n’arrive
pas à rendre une telle beauté.

Comme tous les jours des jeunes phoques viennent jouer autour du
bateau. Ils sont souvent par deux et font de grands bonds joyeux hors
de l’eau. Mais ils ne tiennent pas notre vitesse et nous les
distançons rapidement. Maintenant c’est un énorme adulte qui nous
regarde passer.

Je profite de ce beau temps pour tout faire sécher, j’ouvre en grand
le capot de la cabine avant afin d’aérer le bateau, je pose mon duvet
en travers de la bĂ´me de trinquette, je mets les matelas Ă  la
verticale et je pends ma serviette sur les filières.

Lorsque j’émerge de la sieste bien méritée après la potée de ce midi,
nous sommes entrés dans le Canal de Magellan. Il est très large à cet
endroit, nous ne sommes plus dans un véritable fjord. Le soleil
brille, on peut même dire qu’il fait chaud avec une température de 15
degrés à l’intérieur du bateau.

Jusqu’à présent nous ne croisions pas beaucoup de monde, deux ou trois
pêcheurs, une ou deux barges depuis notre départ et, j’allais
oublier, un voilier. Mais maintenant nous commençons à repérer près du
rivage des Ă©levages de saumons.

Nous entrons dans Caleta Hidden Ă  17 heures. Nous sommes accueillis
par une bande de Canards Vapeurs (Flightless steamer-duck). Ces
canards ont des ailes trop petites pour voler, ils s’en servent comme
des rames et courent ainsi à la surface de l’eau à la vitesse de 21
kilomètres par heure en produisant beaucoup d’éclaboussures. Ils ont
un beau bec orange, des pates jaunes et un plumage gris sur le dos,
blanc sur le ventre.

Nous jetons l’ancre à 17h30 et portons quatre longues amarres à terre
(en plus de la petite sur l’arrière) en vue du coup de vent de demain.

A bientĂ´t


Jean-Louis
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