Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 11 Nov 2015 20:00:00 - Entre Paris et Rio
N° 827 - Retour vers Rio de Janeiro

21h00 en France, 18 heures au Brésil.

Bonjour à tous,

Je suis dans un train fou. La machine à vapeur hâlette à petits coups
rapides dans la nuit noire. On entend le « tac-tac ….tac-tac » des
bogies passant sur les éclisses aboutant les rails. Puis c’est le
fracas d’un aiguillage avant le « vlan » suivi d’un fort roulis au
moment où nous croisons un autre train. Maintenant mes oreilles
ressentent la surpression à l’intérieur de ce tunnel, des escarbilles
s’envolent et l’odeur âpre de la fumée se fait plus forte.

Pendant que d’autres tuent le temps, avachis dans leur canapé devant
la télé, moi j’enfourne le charbon à grandes pelletées dans le foyer
de la chaudière. La vapeur surchauffée s’échappe de tous côtés et les
traverses de bois défilent sous la machine au même rythme que les
jours de ma vie trépidante. Mais je m’égare, je divague, je déraille.

Je ne sais pas lever le pied. Je viens de passer plus de 5 mois au
bureau, à pousser tous les feux de mon businesse. Résultat, les
affaires explosent, tout va plus vite que prévu et je dois revoir mes
plans. Je pensais partir pour un mois et demi de ballade mais je vais
devoir revenir très vite car nous allons lancer beaucoup plus
rapidement que prévu la construction de nos immeubles sur le terrain
acheté début Juin.

La faute à cette foutue nouvelle règlementation thermique. Tout est à
revoir. Les principes de construction que nous utilisions jusqu’à
présent ne sont plus d’actualité. Aujourd’hui la plus forte
consommation d’énergie dans un immeuble provient de l’éclairage, loin
devant le chauffage. Qui aurait cru cela possible ?

Nous pensions disposer de plusieurs mois pour réaliser ces études
mais un candidat locataire est apparu. Il prendrait un immeuble
complet et nous à mis le feu. Il veut signer un bail en état futur
d’achèvement avant la fin de l’année. Nous devons construire trois
immeubles, les numéros 18, 19 et 20. Du coup il faut lancer dès
maintenant la pré-commercialisation des deux autres afin de séquencer
la construction. C’est énormément de travail et je vais au minimum
devoir faire des allers et retours entre Rio et Paris. Ou bien rentrer
très vite. Heureusement nous travaillons en famille et je peux compter
sur tous.

Il y a quelques jours un copain de très longue date me disait «
Jean-Louis, quand vas-tu arrêter de travailler ? T’emportera pas tes
sous dans ta tombe ». Il me connaît très mal. Je n’ai jamais travaillé
pour gagner de l’argent. Je considère que ce n’est qu’un effet
collatéral du travail, certes un effet agréable mais certainement pas
le but premier. Ou bien il faut se remettre en question et changer de
travail.

Le mot même de « travail » est mal adapté. C’est la plus grande
passion de ma vie. Elle passe même avant ma passion bateau. C’est un
jeu, quelque chose de dévorant, une véritable addiction comme peuvent
l’être le casino, la roulette ou les courses de chevaux. J’adore la
gestion, j’adore l’économie, j’adore ce travail, c’est une énorme
partie de Monopoli grandeur nature. Et surtout, le travail est la
meilleur façon de me lancer des défis qu’il faut ensuite relever. Le
matin, lorsque je me lève, j’ai hâte de me retrouver au bureau.

Revenons sur terre, ou plus exactement dans ce Boeing 777 qui
m’emporte vers le Brésil, vers Sao Paulo plus précisément où
j’arriverais après 12 heures de vol. Il est 6 heures, heure de Paris,
3 heures du matin pour le Brésil. L’Atlantique est déjà fini, nous
survolons maintenant la ville de Fortaleza.
Encore trois heures de vol avant d’atterrir.

Je reprends l’écriture à Sao Paulo. J’ai dû récupérer ma valise sur le
tapis des bagages et mon WC aux « Hors Size » car je dois changer
d’aéroport. Je suis content, le colis du WC a pris un petit coup mais
ce n’est pas grave. Je ne suis pas inquiet, j’ai 4 heures trente
d’escale. Mais c’est très mal organisé, il y a une queue de folie et
très peu de navettes entre les deux aéroports. Je dois attendre 2
heures pour enfin monter dans le bus.

J’arrive à l’enregistrement mais le vol est clos, il part dans 5
minutes. J’ai vraiment la rage car je n’y suis pour rien, j’ai fait le
maximum pour ne pas perdre de temps. Finalement on me trouve un
nouveau vol mais sur l’aéroport domestique de Rio, le Santos Dumont,
celui qui est construit dans la baie au bord de la ville et du Pain de
Sucre.

Finalement ce n‘est pas plus mal, la Rodoviaria, la grande gare des
bus n’est pas très loin et lorsque je sors de l’aéroport un bus y
part. Maintenant je dois monter les roues à mon WC, tout se passe bien
et mon convoie (le WC relié à l’arrière de la valise comme une semi
remorque) à du mal à faire des virages court sinon j’arrive même à
monter et descendre les escalators.

Je viens de prendre mon ticket pour Itacuruça où m’attend sagement, du
moins je l’espère, mon beau bateau. 25 heures de porte à panneau de
descente ! Quel voyage fatigant. Lorsque je vais arriver sur le
ponton, si tout s’est bien passé je serais le plus heureux des hommes
et j’irais me coucher avec plaisir.

Comment vais-je retrouver Harmattan ? C’est la grande question. Il
avait déjà passé 6 mois seul, à m’attendre au Sri Lanka, lorsque l’on
m’a greffé ce rein qui m’apporte une si grande liberté. Je l’avais
alors retrouvé dans un sale état. Il faut dire que c’était dans un
endroit mal famé et de plus, à l’époque de la mousson. J’espère qu’ici
tout s’est bien passé. Il est dans une marina et normalement s’il y
avait eu un problème, on m’aurait prévenu.

Ma Job List comporte quelques lignes que je dois purger avant de
repartir. J’aimerai également passer deux ou trois jours à Rio afin de
visiter cette ville pendant que je ne suis pas très loin. Ensuite je
vais descendre tranquillement la côte en visitant les lieux sympas.

Je vais me promener à nouveau dans la baie d’Ilha Grande, revisiter
Angra dos Reis et Parati. Puis ce sera Ilha de Sao Sebastiao avant
Guaruja où je vais laisser le bateau pour aller visiter Sao Paulo la
ville qui ne dort jamais, la plus grande métropole d’Amérique Latine.

L’étape suivante me conduira à Paranagua pour visiter la ville de
Curitiba et les fameuses chutes d’Iguaçu avant de rejoindre Itajai
d’où les bateaux de la Transat Jacques Vabres seront repartis depuis
longtemps.

A bientôt

Jean-Louis
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