Journal de bord de l'Harmattan
Thu, 20 Nov 2014 19:00:00 - A Caleta del Sebo sur l’île de Graciosa (29°14N, 13° 28W)
N° 744 - Les collisions maritimes

18h00 en France, 19h00 aux Canaries.



Bonjour Ă  tous,

Je sais que beaucoup de plaisanciers lisent ce blog et aujourd’hui
cette petite réflexion s’adresse à eux.

La mer est immense, on passe de longues heures, parfois plusieurs
jours, voir plusieurs semaines sans voir un bateau et pourtant, malgré
tous les moyens techniques d’aujourd’hui, on entend parler trop
souvent de collision en pleine mer. Et pour chaque collision, combiens
de bateaux ont évités le pire de justesse en passant à quelques mètres
sans se toucher.

Ces collisions peuvent être extrêmement graves. Les bateaux n’arrivent
pas toujours en sifflet l’un par rapport à l’autre, parfois la
collision se produit à angle droit. Pour le bateau qui percute c’est
comme s’il se payait un mur, pour l’autre c’est comme un énorme coup
de burin là où ses structures ne sont pas faites pour résister à un
tel choc.

Le risque ultime, qui n’est pas négligeable, est de couler et que
l’autre bateau continue sa route sans même peut-être avoir conscience
du drame en cours. On voit souvent dans les capitaineries des avis de
recherche (il y en a un ici) de marins disparus en mer sans aucunes
traces.

Un tel accident pourrait m’arriver puisque je navigue beaucoup, je me
sens donc concerné et j’essaye à chaque occasion de comprendre ce qui
s’est passé. Ce n’est pas toujours facile d’obtenir des informations
et pourtant, comme en aviation, chaque cas devrait être étudié avec
soin. Il n’y a pas à ce jour de réelles directives pour éviter les
collisions mis à par le « Il faut observer une veille visuelle
permanente », totalement obsolète et inefficace dans la durée.

C’est dommage car chacun fait « au mieux », comme il le sent, et les
conséquences sont parfois très graves. Premier constat que je fais, on
entend parler de collision entre cargo et voilier, entre chalutier et
voilier, entre voilier et voilier, mais très rarement entre cargo et
cargo ou chalutier. Il y a forcément une explication. Quand la
collision concerne un plaisancier, cela me navre mais lorsqu’elle
concerne un coureur au large dont c’est le métier c’est absolument
inadmissible et pourrait devenir à terme très préjudiciable à
l’ensemble des plaisanciers.

Pour éviter les collisions la première règle de bon sens est d’éviter
les endroits très fréquentés comme le bord des côtes. Beaucoup se
sentent plus en sécurité à quelques miles de la côte alors que le
risque vital est à peu près le même si l’on tombe à l’eau ou si l’on
coule Ă  2 Miles de la cĂ´te ou Ă  200 Miles.

La première règle est de s’éloigner des côtes et de naviguer au moins
au delà du plateau continental où se trouvent les pécheurs. Au moins
la moitié des collisions arrivent avec les chalutiers, si l’on évite
les zones de pêche, on réduit considérablement les risques. Les
organisateurs de course au large devraient interdire le passage dans
ces zones car le coureur peut être tenté de naviguer dans la zone des
200 mètres où le courant (ou contre courant) peut être plus favorable.

Parlons maintenant des moyens pour Ă©viter ces collisions. Il y a la
fameuse règle de veille visuelle. C’est extrêmement contraignant et
tous les plaisanciers ont eu l’occasion de constater des défaillances
en voyant un voilier les croiser, souvent en pleine journée alors
qu’ils ne l’avaient pas vu arriver. La journée on est souvent moins
attentif, il faudrait faire un tour d’horizon toutes les cinq minutes
et, pris par une occupation, mĂŞme en Ă©tant dans le cockpit on passe Ă 
côté.

Il y a également les équipiers qui s’endorment la nuit. Cela peut
presque se comprendre si l’on n’a pas vu un bateau depuis 15 jours, on
est moins attentif. Mais il y a également le problème de l’angle mort,
le bateau qui arrive derrière une voile d’avant, génois ou trinquette.

Cela m’est arrivé lors de la première mise à l’eau d’Harmattan. Je
n’avais pas encore installé le radar et j’ai fait un tour de Corse. Au
près tribord amure, installé dans le cockpit côté tribord, je
surveillais ma route mais mon génois m’a caché un autre voilier qui
est passé à un mètre sur ma hanche arrière. Il était dans son tord
mais tord ou pas cela aurait pu faire une collision. La mĂŞme chose est
arrivée également (entre autre) à mon copain Jean-Michel qui s’est
retrouvé avec un énorme trou dans la coque et a failli couler. Je
pourrais vous citer d’autres cas dont un très récent.

Il y a ensuite les moyens électroniques « inertes » comme les «
Merveille » et les AIS. Ils apportent une fausse sécurité, ne veillent
que les cargos et les chalutiers ayant leur radar ou leur AIS en Ă©tat
de fonctionnement et rarement les voiliers. Je n’en ai pas à bord,
peut-ĂŞtre un jour mettrais-je un AIS pour le plaisir de jouer mais je
n’y confirais jamais ma vie.

Le seul moyen sûr, le moyen unique est le radar. Il doit être en
permanence en marche et une veille visuelle permanente, je dis bien
permanente, doit être assurée tant que l’on ne peut pas définir une
zone de garde qui active l’alarme lorsqu’un écho rentre dans cette
zone. En fait la veille doit être assurée tant qu’un écho, bateau,
bouée, terre … est à une distance inférieur à 3 Miles.

Certains plaisanciers ne le branchent pas sous prétexte de
consommation trop importante. C’est ridicule, à la limite il vaut
mieux faire tourner le moteur une heure par jour que de prendre le
risque de la collision. De plus on peut régler le radar afin par
exemple qu’il effectue 30 tours d’antenne et se mette ensuite au repos
par exemple 3 minutes. De cette façon sa consommation peut être
divisée par 3 ou 4.

Par ailleurs il faut un bon radar. J’ai failli moi-même me faire
piéger en mer de Timor car un catamaran de travail ayant une très
faible signature radar n’a été détecté qu’après avoir presque traversé
ma zone de garde. J’ai depuis mis en place la dernière version de
logiciel et je ne rencontre plus aucun problème.

En tout dernier lieu, il faut définir une zone de garde assez large
afin que le radar ait tout le temps de détecter l’intrus. Pour ma
part, en règle générale je positionne la limite proche entre 1 Mile et
1,5 Mile en fonction de l’état de la mer et la limite éloignée à 3
Miles.

Il est urgent que la fédération, les journalistes, les plaisanciers,
les organisateurs de course au large, les coureurs, toutes les
instances concernées prennent conscience de l’importance de régler au
plus vite ce problème de collisions qui ne peut que nous retomber sur
le nez si l’on ne fait rien. Nous devons nous discipliner nous même si
nous voulons que la mer reste un espace de liberté.

A bientĂ´t

Jean-Louis


"bisous de roselyned vive les canaries"

Envoyé par roselynedemeestere le 23-11-2014 à 17:51



"Cher Jean Louis,
je ne suis pas d?accord avec ta position sur L'AIS, c'est un outil anticollision remarquable, complémentaire des alarmes radars. Tu verras, l'essayer c'est l'adopter .
Il permet d'anticiper et de savoir comment se comportent les bateaux. Plutôt que d'alourdir inutilement des réglementations inutiles, puisque leur application n'est pas contrôlable en pleine mer, il faudrait imposer l'AIS emetteur/récepteur à tous les bateaux naviguant en haute mer. Cette obligation existe déjà dans certains pays.
Bien Ă  toi
Olivier"


Envoyé par Olivier Masurel le 26-11-2014 à 18:09

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