Journal de bord de l'Harmattan
Sat, 18 Oct 2014 17:00:00 - 40° 45’ N 2° 52’ E
N° 728 - Le pilote qui joue petit bras

19h00 en France, 19h00 heure du bord.
En mer Méditerranée, entre Barcelone et Porto Soller (Iles Baléares)



Bonjour Ă  tous,

Le vent n’est pas avec nous, il refuse en permanence et s’arrange pour être
toujours de face, nous contraignant Ă  tirer des bords ce qui rallonge
énormément la route. C’est pénible, nous avons l’impression de ne pas
avancer et le bateau doit être surveillé en permanence car la navigation
face au vent ne tolère pas le moindre écart.

Cette nuit nous avons dĂ» tirer un long bord Sud Sud Est alors que la route
normale est Sud Ouest. Jacky qui dort dans la cabine arrière, près du pilote
automatique est venu m’avertir que celui-ci n’avait pas un comportement
normal, la pompe fonctionnant beaucoup trop souvent.

Le pilote est considéré, sur les yachts de plaisance, comme un équipier
supplémentaire. C’est surtout vrai lorsque l’on navigue en solitaire. Une
panne de pilote est alors un très gros ennui. Philippe Jeantot en emportait
trois ou quatre lorsqu’il prenait le départ de ses fameuses courses par les
trois caps. J’étais jeune, je m’interrogeais et ses aventures m’ont permis
de comprendre que voyager au tour du monde en solitaire était à ma portée.

Après plusieurs arrêts intempestifs le pilote à fini par croiser les bras
vers cinq heures du matin. Diagnostic : Pas assez d’entrainement, pas les
muscles. J’ai horreur de barrer et j’étais encore très largement en manque
de sommeil. Aussi j’ai réglé le bateau pour qu’il se débrouille sans pilote.
A cette allure, avec le vent de face, il arrive à s’en sortir seul. Il fait
de grandes embardées mais fini par tenir son cap.

A un moment je suis sorti de ma torpeur par quelque chose d’anormal. Le
bateau me semble à l’arrêt. Et bien non, il a fait un tour complet sur
lui-même avant de continuer normalement sa route ! C’est sûr, les bateaux et
tous leurs Ă©quipements sont des ĂŞtres avec une conscience propre.

A huit heures, je me reprends en main, je me lève pour avaler mes
médicaments antirejet puis pour m’occuper du bateau. Je teste le pilote et
ne trouve rien d’anormal. J’affine mon diagnostic, je pense qu’il a tout
simplement des gaz et décide de lui administrer une bonne purge à la
première occasion. De toute façon j’ai une pompe neuve à bord, c’est la
seule pièce de rechange que j’emporte.

Je démarre le moteur et effectue un virement de bord. Le pilote décide de
reprendre du service, les conditions étant plus faciles. Après quelques
heures sur ce nouveau bord direction Tarragone, le vent est suffisamment
tombé pour pouvoir prendre le bon cap, droit sur Alicante avec le reste de
vent de face. Progressivement la mer s’aplatie et cet après-midi est le
premier moment très sympa de notre balade. Mer plate, vent entre 3 et 4
NĹ“uds, grand soleil, on se croirait au mois de Juin dans le midi de la
France.

J’en profite pour bricoler. Je n’ai pas eu le temps d’installer correctement
mon tangon. Depuis le départ il n’en fait qu’à sa tête. Le capitaine ne peut
accepter cela et décide de la mater une fois pour toute. Je passe mon
après-midi à le mâter le long du mât principal, perçage, ajustage, taraudage
…

Voilà une belle journée qui se termine. 113 Miles au compteur journalier.

A bientĂ´t.

Jean-Louis

(PS : Au moment de vous envoyer ce mail, touche sur la ligne de traîne
équipée de mon rapala fétiche. Après une grosse bagarre, le thon se dégage
(un très gros) et je remonte mon rapala avec l’hameçon ouvert !)
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