Journal de bord de l'Harmattan
Sat, 25 Feb 2012 18:00:00 - 6° 58’E 26° 04’S
N° 449 - Objectif atteint ?

19H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

Quelle journée importante ! Ce matin, à 11h25h, j’ai coupé le méridien
7°30’E qui passe à Menton pour rentrer dans le même fuseau horaire que
j’ai quitté début octobre 2009, le fuseau horaire de Paris. Je n’ai
plus de décalage horaire avec la France. Depuis un peu moins de deux
ans et demi, Harmattan à traversé tous les fuseaux horaires de la
planète. Le point d’orgue a été bien entendu lorsque j’ai coupé la
ligne de changement de date. Quelle expérience exceptionnelle ! J’ai
raté une journée complète, il me manque un jour de vie que bien
entendu je ne manquerais pas de réclamer le moment venu.

Ai-je déjà accompli le tour du monde ? Je crois, dans tous les cas,
qu’une partie de l’objectif est atteint et que cela doit être fêté.

En fait, la fin du tour du monde peut donner de multiples occasions de
faire la fête. La première, bien entendu, lorsque l’on a passé par
tous les fuseaux horaires. La deuxième occasion, ce sera demain
j’espère, lorsque je vais couper le méridien 5°20, celui qui passe à
Marseille, j’aurais alors coupé tous les méridiens de la terre, le
tour complet de celle-ci sera réellement effectué.

Et puis immanquablement, va arriver le moment oĂą je vais recouper le
sillage que j’ai tracé lors de mon départ. Ce sera soit devant le port
du Marin en Martinique, soit quelque part au nord des îles du Cap Vert
selon l’option Ouest ou Est que je vais choisir en repartant de Saint
Hélène.

Enfin, l’occasion la plus importante de faire la fête, et Jacky s’est
déjà proposé pour l’organiser, c’est le jour où je vais rentrer dans
le port de Marseille. Quel moment énorme ! J’en rêve depuis mon
départ. Ce sera l’achèvement d’une énorme tranche de vie, certainement
la ligne d’arrivée du défi de ma vie. Comment rêver d’un objectif
encore plus ambitieux ? Je me le demande. Quand j’y repense, c’était
énorme ce défi, partir alors que je n’étais dialysé que depuis deux
mois !

J’avais derrière la tête l’idée bien sûr de faire le tour du monde
mais cela ne me paraissait pas raisonnable. C’est quand Michel Cimès,
sur le plateau du magasine de la santé, m’a dit « Et après, il y a les
autres océans » que j’ai compris qu’il fallait que je continue, que la
dialyse péritonéale méritait bien cela.

Depuis quelques jours, mes copains Jacky et Pierre-Yves mon routeur
météo, n’arrêtent pas de fantasmer sur la petite couturière qui
m’attend à Saint Hélène pour réparer mon génois.

Jacky en a même écrit un poème :

« Il était une fois un grand et fier capitaine
Qui s'en allait la bas vers des courses lointaines
Depuis pétole jusqu'au pire des tempètes et ouragans
N'Ă©tait il pas confiant dans son bel Harmattan
Vent dans le pif, sur l'arrière ou au portant
Sur de lui et son navire il bravait tous les temps
Un jour pourtant dans sa course il péta son génois
Des injures, des prières, rien ne pu calmer son émoi
Au large de Namibie ses espoirs ont foutu le camp
Quand il appris que la bas seuls régnaient les pélicans
Par quel miracle pourrait il réparer son génois
Mais contre vents et marées le marin gardait la foi
Plutot que de miracle ne faudrait il pas une sorcière
Pour recoudre cette déchirure avec des doigts de couturière
Alors il pensa a cette petite ile droit devant sur sa route
A Saint Hélène, peut être et même sans aucun doute
Il trouverait la jeune et belle couturière aux doigts agiles
Qui de ses mains douces , ses aiguilles et son fil
Saura lui redonner sourire, vigueur et grand bonheur
Pour un peu plus tard l'embrasser et la quitter sur l'heure »

Ils la voient bien sûr jeune et jolie avec de longs doigts fins et
très habille de ses mains. Les filles de Saint Hélène sont des
professionnelles de la dentelle. Mon génois risque d’en ressortir très
joli mais sera-t-il efficace dans le gros temps ?

Je suis en ce moment en train de lire le livre de mon copain Gilbert
Goor, ce belge, voisin de ponton Ă  Durban, qui a fait le tour du monde
sur son sloop de 32 pieds, Gipsi Girl. Lui aussi a vécu des aventures.
La première, au début de son tour du monde puisqu’il est parti de
Durban. Il arrive devant Mossel Bay. Il a rentré son génois et sa
grand voile et s’apprête à mettre son moteur en marche. Il n’a pas
encore sécurisé sa bôme, celle-ci, sur un coup de gîte balaie le pont
et le jette à la mer. Heureusement qu’il n’y a pas trop de vent, que
le génois est rentré et que le moteur n’est pas en marche, il arrive à
remonter à bord par l’arrière du bateau.

Une autre aventure, qui pourrait se reproduire, on ne sait jamais et
qui va encore faire fantasmer Jacky et Pierre-Yves. Il vient d’arriver
à Saint Hélène après trois semaines de mer en solitaire. Il jette
l’ancre pour se reposer et un autre bateau jette son ancre pas très
loin de la sienne. Au milieu de la nuit, il est réveillé par le
frottement du bateau voisin contre le sien. Il sort pour protéger son
bateau et pendant qu’il s’active, sort du bateau voisin une jeune et
jolie femme, entièrement nue. Savez-vous ce qu’elle lui dit ? « Pensez
vous que je doive réveiller mon mari ? ». Les ronflements sonores de
celui-ci sortent du bateau. Je crois qu’il n’a pas pu se rendormir
avant l’aube.

Aujourd’hui il y a moins de 5N de vent. Ambiance mutinerie, tout
claque, tout frappe, tout grince, le bateau danse et rien n’avance. La
mer est absolument vide, depuis plusieurs jours je n’ai vu ni bateau
ni animaux. Comme il n’y a pas de vent, il fait très chaud et pour la
première fois j’ai pu revêtir la tenue digne des tropiques. J’ai passé
l’après midi à me chauffer en me protégeant du soleil trop ardent et à
lire dans le cockpit.

Ce matin en mettant le moteur en marche, je constate que l’alternateur
des batteries de servitude vient de rendre l’âme. Le voyant de charge
reste allumé, le régulateur doit être mort. Ce n’est certainement pas
à Saint Hélène que je vais pouvoir réparer cela. Ce n’est pas très
grave, j’ai mis en parallèle mes deux parcs de batteries et
l’alternateur principal recharge le tout.

Le moteur tourne à 1000 tours/mn histoire d’avancer un peu, 119 Miles
au compteur journalier, mais en 25 heures tout de mĂŞme. Je suis ce
soir sur le méridien de Cannes.

A bientĂ´t.


Jean Louis
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