Journal de bord de l'Harmattan
Sat, 11 Feb 2012 17:00:00 - 22° 09’E 34° 11’S
N° 435 - TempĂŞte au cap des tempĂŞtes



18H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

Aujourd’hui c’est tempête sur le bien nommé cap des tempêtes. Cà pète fort !

Je pense que cet endroit est un des plus dangereux du monde. Cela est
dû d’une part à ce monstre qu’est le courant des aiguilles. Il vient
tout droit du Mozambique et atteint, dans sa partie sud, entre 6 et 7
nœuds. C’est énorme. En face, il y a ces dépressions qui circulent
dans les quarantièmes, provoquant un phénomène que je n’ai rencontré
nulle part ailleurs, l’inversion instantanée du flux.

Quand une tempĂŞte vient du Nord Est, dans le sens du courant, la mer
se creuse énormément. J’ai connu ce phénomène juste avant d’arriver en
Afrique du sud. La houle, générée par le courant et le vent dans le
même sens, est énorme mais longue. Lorsque j’étais dans les creux, le
sommet de la houle dépassait très largement le haut de mon mat qui est
Ă  16,5m de haut par rapport au niveau de la mer. On a alors vraiment
l’impression d’être sur un énorme tapis roulant avec des forces
monstrueuses en présence.

Mais, les dépressions qui circulent d’Ouest en Est, font qu’en
quelques minutes, une tempête de Sud Ouest peut succéder à une tempête
de Nord Est. Et alors là, tout devient dément. Ce vent qui souffle
violemment, verticalise la houle et c’est comme cela que l’on
rencontre des vagues abruptes de 21 mètres de haut. Ces vagues,
appelées « vagues scélérates », sont capable de briser net n’importe
quel tanker, porte container, cargo ou paquebot, mĂŞme neuf sortant du
chantier naval.

Il suffit d’aller sur Internet pour voir des photos de ces monstres.
C’est extrêmement impressionnant et beaucoup de plaisanciers préfèrent
affronter les pirates somaliens que cet endroit oĂą circulent toutes
sortes d’histoires à faire peur. C’est vrai qu’en première approche,
c’est choisir entre la peste et le choléra. Néanmoins, ici, on peut
gérer et avec ces merveilleux outils que sont les prévisions météo
(qui ne sont pas toujours fiable, on vient de le voir) on peut arriver
à passer au travers de ces déchainements de la nature.

Quoi qu’il en soit, Mossel Bay est au centre géographique du problème
et trois Ă©normes remorqueurs de haute mer sont en alerte permanente
dans le port. En plus de ceux-ci il faut ajouter un remorqueur moyen
et un petit. La moitié du port est consacré à ces moyens de sécurité.
Les remorqueurs de haute mer sont Ă©normes. Je pense de la classe de
l’Abeille Bourbon, peut-être supérieur même pour l’un d’entre eux.
D’ailleurs le plus petit, si l’on peu parler ainsi de ces monstres
s’appel le Bourbon Thetys. Il suffit sur la photo de comparer avec la
taille des voiliers à côté.

De temps en temps ils font une sortie en mer, au retour un double semi
remorque citerne vient faire le plein de carburant ! Ils sont beaux,
quel sentiment de puissance ils diffusent !

Depuis le milieu de la nuit, la tempête souffle dans le port. J’ai
encore dû me lever pour renforcer mes amarres et j’en ai remis en
milieu de matinée. Le vent lève des vagues méchantes dans le port et
Harmattan saute et se cabre comme un cheval sauvage pris au lasso. Je
vois mes taquets bouger et cela ne me plaît pas. J’essaie de répartir
les efforts sur différents endroits et d’en mettre le maximum sur la
bite de remorquage à l’avant du bateau. C’est le point le plus solide,
il fait partie de la structure mĂŞme du navire.

Il ne fait pas très chaud, au matin 18 degrés à l’intérieur, les
tropiques me manquent. Je suis enfermé, calfeutré dans mon cocon
douillet et je surveille le travail de mes amarres en fonction du
niveau de la marée. Puis, en début d’après midi, cela se calme un peu,
le vent tombe d’un cran en passant SW et la mer dans le port redevient
presque normale. Les tempêtes c’est ainsi, cela fini toujours par
décroitre. Lorsqu’en mer on est pris dans une tempête, il faut
toujours ce dire que ce n’est que momentané. Il faut faire le dos rond
et cela fini par passer.

Là, cela devient du masochisme, ce n’est plus les mains uniquement
dans le cambouis mais tout le haut du corps, les bras, la tĂŞte, tout.
J’ai dû plonger au fond de ma salle machine pour travailler sur
l’alternateur d’arbre d’hélice. Plonger est le mot adéquat. J’installe
une vieille couverture sur le moteur, je m’allonge dessus et je
descends la tête en bas jusqu’au tourteau en sorti d’inverseur. C’est
très sale, noir de cambouis et de poudre de courroie. Je comprends
rapidement ce qui ne va pas, il manque carrément des dents à la
courroie. Heureusement, en prévision, j’avais passé une deuxième
courroie retenue par des colliers rilsan. Il n’y a plus qu’à couper
les colliers, couper la vieille courroie et installer la neuve. Cela
me prend un peu de temps mais surtout je passe ensuite une heure Ă  me
frotter avec une éponge « gratte gratte ».

Je profite d’être dans la mécanique pour faire la vidange du groupe
électrogène et réparer la porte de la salle machine dont les gonds
s’en vont. J’aurais ainsi effectué tous les travaux prévus au Cap.
Demain, je vais m’accorder une journée de repos et peut-être aller
visiter le musé de la ville.

Je me rends compte que cela fait déjà un mois que je suis arrivé à
Richards Bay, je n’ai pas beaucoup avancé et pourtant que de choses se
sont passées.

A bientĂ´t.

Jean Louis


"Salut depuis Sagarmatha ou je suis arrive ce soir, la route est longue depuis cannes, dormi au sud de Barcelone, un arret sympa a Carthagene, 2 jours avec BJ a Carboneras, et me voila de retour au Sud d Almeria sur mon cher bateau, quel bonheur, tu connais ca. Sympa tes news de Mossel Bay, c est un bel endroit, un bon stop pour Harmattan et toi, histoire de vous remettre bien en quille avant le cap des tempetes ( pas de contrepetries !! ) juste ce qu il fallait avant de repartir pour la derniere etape vers le sud. Tu ecris que tu n as pas beaucoup avance, mais si, pour qui connait ces parages, tu as enormement avance, et tu t en es tres bien sorti, c est un endroit difficile et dangereux, pour survivre et passer il faut jongler avec les fenetres meteo, ce que disait Moitessier s applique particulierement bien a cet endroit, ou "il n y a de grand chef que la mer". Bon vent pour la suite, tous mes voeux les plus amicaux t accompagnent JL"

Envoyé par Pierrefeu Jean Louis le 13-02-2012 à 23:08

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