Journal de bord de l'Harmattan
Sat, 05 Nov 2011 17:00:00 - 32° 04’E 28° 47’S
N° 392 - Enfin l’Afrique du Sud



18H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour à tous,

Quelle émotion, je n’en peux plus, trop c’est trop. Depuis midi, heure
à laquelle le « Rescue » local a amarré Harmattan dans la marina de
Richards Bay, je n’arrête pas de pleurer. J’en suis à mon troisième
mouchoir. De pleurer de bonheur bien sûr, de pleurer devant cette
émotion énorme qui m’étreint, devant ce sentiment d’exaltation d’avoir
« Réussi » tout simplement. L’énorme tension que j’avais sur les
épaules depuis 15 jours vient de tomber brutalement, je suis dans la
dépression, plus besoin d’être en permanence sur le qui vive. Il va me
falloir plusieurs jours pour revenir dans la vie « normale ». Cette
étape était de loin celle qui m’impressionnait le plus, celle que je
redoutais, celle de tous les dangers, celle à ne pas faire en
solitaire.
Nombreux sont ceux qui préfèrent affronter les pirates que de passer
par l’Afrique du Sud tellement cette étape fait peur.

Le titre de mon premier livre est « La passion de Réussir ». Je ne
crois pas qu’il y ait de plus grands bonheurs sur terre que celui de
réussir. Plus l’objectif est énorme, plus il semble impossible à
atteindre, plus il demande de force morale et plus le bonheur sera
grand à l’arrivée. Là j’ai été servi !

A chaque étape, ces émotions sont la récompense de l’énorme défi
qu’induit la navigation en solitaire. J’ai hâte d’arriver à Marseille,
terme de cette folle aventure. Ce jour sera certainement le plus beau
de ma vie. J’espère que vous serez là nombreux pour partager ce moment
de bonheur immense.

Dire Straits et Mark Knopfler sont réapparu dans le bateau. Le volume
est un peu trop fort mais que c’est bon. Mark gratte sa guitare comme
un fou ce qui n’aide pas à sécher mes joues.

Mais il faut que je revienne un peu en arrière. Hier soir à 19h,
lorsque je vous ai quitté, je ne suis plus très loin de l’entrée du
port de Richards Bay et nous pensons, vous et moi, que l’aventure est
terminée. Mais non, rien ne m’aura été épargné.

A ce moment ça souffle force 6, de sud ouest. Je m’apprête à passer
encore une nuit difficile et j’ai redescendu la trinquette pour
ralentir le bateau de façon à ne me présenter devant l’entrée de la
baie qu’au petit jour.
Grand voile à trois ris, je règle l’écoute et mon cap de façon à
dériver dans le courant à la vitesse d’environ 2,5N pour que ma
trajectoire m’amène à l’entrée du port.

19h est le moment où ce vent souffle au maximum de sa force, ensuite,
progressivement, il ne fait plus que de faiblir et la mer de se
calmer. Du coup, je passe une nuit réparatrice en me levant seulement
4 ou 5 fois pour contrôler la dérive.

A 4h30, le jour se lève et moi avec. Je suis frais et dispo. Tout va
bien, je suis tellement content d‘atterrir enfin. Il n’y a plus de
vent, je descends la grand voile et lance le moteur à très petite
vitesse, direction l’entrée du port que je ne veux pas atteindre avant
8h. Je passe une heure sur le pont à ranger, plier correctement les
voiles, rouler les cordages, ranger la pêche … Puis je fais un petit
tour sur Internet pour regarder une dernière fois la météo de
Pierre-Yves.

Je trouve un message de l’autre Jean Louis, mon copain de Port
Napoléon qui à des amis partout dans le monde et qui avait déjà
organisé mon arrivée à Tahiti. Il me donne le nom de Jerry et son
numéro de téléphone. Je le note sur un papier. Mon copain Jean Louis
est l’heureux propriétaire d’un ketch de type Joshua construit par les
chantiers Méta à Tarare, le même bateau que Moitessier. Les
connaisseurs apprécieront.

Puis je consulte la météo et je suis en train d’écrire une réponse à
Pierre-Yves lorsque j’entends le bruit du moteur qui change. Vite, je
sors dehors et mets un coup de gaz, mais il fini par s’arrêter. Cela
ressemble étrangement à une panne sèche. Etonnant car ma jauge est
encore au quart du réservoir. Néanmoins je cherche mon bidon de
secours et mon entonnoir, je vide 20 litres dans le réservoir et
refais un essai. Pareil !

J’incrimine immédiatement ma pompe de gavage. Effectivement, la
poignée est bloquée. Je remets un coup de démarreur pour le cas ou la
came de l’arbre éponyme serait dans son point haut mais rien n’y fait.
Je dois me rendre à l’évidence, je suis en panne. Quelle chance, cela
aurait pu m’arriver il y a quelques jours, ou bien plus tard, lorsque
je ferais mon transit entre Richards Bay et le Cap des tempêtes,
parcourt ou le moteur est vital.

Pour l’instant je dois gérer ce nouveau problème. Je fais le deuil de
mes voiles si bien rangées et établi grand voile et génois. Le vent
revient un peu, une chance. Avec ce courant je m’aperçois qu’il faut
que je fasse du près, aussi je roule le génois et établi la
trinquette. Je dois jouer avec le courant qui est fort et porte au sud
sur la ligne des 200 mètres et moins fort portant au nord le long de
la côte. J’essaie de contacter le « Port Control » sur le canal 16 et
sur le 12 mais personne ne réponds.

Je passe le temps, petit déjeune tout en essayant de nombreuses fois
de rentrer en contact avec les autorités mais rien à faire. A 8
heures, je n’y tiens plus et appel Jerry. Il me dit de ne pas
m’inquiéter, on va venir me chercher.

En attendant, j’arrive près de la côte et jette l’ancre à 4 miles de
l’entrée du port. Je suis bientôt contacté par les « Rescue », ils
viennent me tirer avec une remorque de 100 mètres de long puis dans le
port on se met à couple pour me rentrer dans la marina.
A midi pile, ils amarrent Harmattan, l’aventure est finie !

Encore une fois, je suis séduit par cette gentillesse, par cette
chaîne de gens sympas que je rencontre tout le long du parcours.

La grande différence de cette étape par rapport aux précédentes aura
été son côté physique. Sous les tropiques, on monte les voiles et on
n’y touche plus pendant 15 jours alors que cette fois-ci, je me vois
en train de tourner des winchs en permanence jours et nuits.

J’en profite pour remercier tous ceux qui m’ont aidé, et ils sont
nombreux, afin que je puisse vivre cette aventure énorme qui restera
pour toujours un des moments les plus intenses de ma vie.

Pour revenir sur une de mes dernières « news », je lis actuellement «
Les îles éparses » d’Alain Hoareau. Il s’agit de ces petits morceaux
d’îles françaises situées autour de Madagascar, Europa, Bassas da
India, Juan da Nova, les îles Glorieuses et la fameuse Tromelin. On
est en 1950 et l’auteur, un fonctionnaire de la météo, est envoyé sur
Europa, île déserte, pour passer 6 mois à faire des observations
météo. Une vraie aventure de Robinson. Ce fut le seul volontaire et il
écrit « Il est vrai qu’en cette cinquantième année de notre siècle, le
trait dominant du citoyen normal était déjà ce besoin obsessionnel de
sécurité ». Je vois que cette tendance du zéro risque contre laquelle
je me bats n’est pas d’aujourd’hui.

Je ne peux pas vous quitter sans vous parlez de ce sentiment étrange
que j’ai éprouvé ces quinze derniers jours. J’avais en permanence le
sentiment d’être deux à bord. Dans mon inconscience, lorsque je
somnolais au début mais même éveillé ensuite, j’avais la certitude
très vive d’une présence et à chaque fois, il fallait que je retombe
sur terre pour me dire, « hé bien non, tu est seul ». Est-ce qu’avec
le rein qu’on m’a greffé, il n’y aurait pas une toute petite partie de
l’âme de celui qui l’a porté pendant 62 ans ?

Pour terminer, j’ai 1339 miles au compteur, signe que les courants
favorables ont été importants car la distance réelle en ligne droite,
ce que je n’ai pas fait est de 1373 miles.

Je vais maintenant gérer le stockage du bateau puis repartir en France
pour revenir début janvier afin de continuer mon périple.

Encore merci à tous ceux qui m’ont aidé dont ceux qui m’ont envoyés
des petits messages d’encouragements.

A bientôt.

Jean Louis


"Bien joué Amiral !
Cordialement. GD"


Envoyé par GD le 06-11-2011 à 12:54



"Bonjour Jean-Louis. Encore une fois, je suis cloué par ta performance! Je ne trouve pas de mot assez fort pour te félicité. Tu vas certainement mettre beaucoup de temps à te rendre compte de l’exploit que tu viens d'accomplir. Pour le moment, ta modestie le temporise mais il n'en reste pas moins réel. Encore bravo. Didier"

Envoyé par Didier le 06-11-2011 à 13:06



"bonjour jean Louis,
qu'elle bonheur de lire ce dernier message, qu'elle challenge, un exemple de courgae de force de caracteres, "quand on veux on peux" je crois que c'est bien vrai.
BRAVO!BRAVO! BRAVO!
vous voici un tour du mondiste
a tres bien de vous revoir faites moi savoir votre arrive sur marseille
FELICITATIONS
fred S"


Envoyé par Sintes fred le 06-11-2011 à 13:55



"Re bonjour Jean-Louis,
juste une petite idée pour le problème moteur que tu rencontres: Comme tu as eu du mauvais temps et donc que le gazole a été très brassé, il est possible que ton filtre ou pré-filtre soit bouché par des saletés type bactéries. Regarde en sortie de pompe si ça coule correctement. Bon courage
Didier"


Envoyé par Didier le 06-11-2011 à 21:06



"Bravo Capt'ain, toutes mes félicitations pour cette traversée pleine d'émotions.
A bientôt
Paparazi"


Envoyé par Paparazzi le 07-11-2011 à 02:14



"le coup de francine m'a fait enormement de plaisir..félicitations jean louis bonne contiuations jean louis bisous dr roselyne"

Envoyé par roselynedemeestere le 07-11-2011 à 09:17

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