Journal de bord de l'Harmattan
Wed, 26 Oct 2011 16:00:00 - 49° 13’E 26° 01’S
N° 382 - A contre courant



18H00 en France, 19H00 heure du bord

Bonjour Ă  tous,

Rouge à bord hippps !, verre à ras bord hippps ! J’ai mis en
application les conseils de Pierre-Yves, qui me communique les
prévisions météo.

Ce tour du monde m’aura beaucoup appris sur les courants. Bien
entendu, en méditerranée il y a des courants mais ils sont sur des
surfaces limitées et les distances à parcourir sont réduites. Je ne
m’étais pas bien rendu compte de l’importance des courants au niveau
planétaire. Les eaux sont parcourues de courants au même titre que
l’atmosphère est parcourue par les vents.

Les courants sont connus, nommés et varient selon les saisons tout
comme l’aérologie. Des milliards de mètres cubes d’eau se déplacent
formant une source d’énergie énorme. Ces courants peuvent parfois être
importants et se déplacer à plusieurs nœuds. Ils régissent les climats
de la planète et certains comme El Nino ou La Nina sont responsables
d’ouragans ou bien d’inondations colossales.

En navigation hauturière ils sont également très importants et selon
qu’ils sont favorables ou défavorables peuvent changer totalement la
face des choses. Ainsi un courant de 2 nœuds favorable ou défavorable
sur une traversée de trois semaines peut faire varier la date
d’arrivée d’une douzaine de jours, voir beaucoup plus s’il y a pétole.

Les prévisions météo doivent toujours être mises en perspective avec
les courants rencontrés car contrairement à une automobile, la ligne
de foi du bateau n’est pas alignée avec sa trajectoire. La différence
peut être énorme et représenter plusieurs dizaines de degrés. C’est un
peu comme si les automobiles marchaient en crabe.

Ainsi pour faire simple, prenons un courant qui porte au sud Ă  trois
nœuds. Pour qu’un bateau marchant à trois nœuds face route au sud
ouest, il devra se diriger vers l’ouest, soit en crabe de 45 degrés
avec sa route.

Ce matin, vers cinq heures, je constate qu’un courant de plus de trois
nœuds (3,5 en milieu de matinée) m’emporte au sud est direction les
îles Kerguelen. Bon, il y a de la distance à parcourir, n’empêche, ce
n’est par là que je vais. Je dois réagir mais Harmattan est beaucoup
plus conçu pour affronter le gros temps que pour se déhaler dans le
petit temps.

Si je laisse faire, comme la météo ne prévoie pas de vent d’ici à
samedi, d’ici là je serais partis dans le sud est à plus de 200 miles
! Les 7 nœuds de vent de nord ouest ne me servent pas à grand chose,
aussi je dois mettre le moteur à plein régime et m’aider des voiles
pour revenir vers la cĂ´te de Madagascar, lĂ  ou le courant sera moins
fort. J’imagine le niveau de mon réservoir de gasoil en train de
descendre à vue d’œil.

Enfin, en début d’après midi, j’ai retrouvé une zone où le courant,
toujours portant au sud est se limite à 0,7 N, je peux réduire la
vitesse de mon moteur de façon à réduire ma consommation. J’avance
maintenant Ă  moins de 2 N, en attendant que le vent vienne.

Cette traversée va être beaucoup plus longue que prévue. C’est un peu
la loterie, une copine à moi, tourdumondiste elle aussi, l’a fait il y
a un mois en une semaine et deux jours ! Je me demande combien de
temps je vais mettre et je me suis levé, inquiet, à deux heures du
matin pour faire une nouvelle fois le stock de mes médicaments
antirejet. J’ai encore trente jours de stock, je pense quand même être
arrivé quelque part d’ici là ! Les statistiques disent qu’à cette
période, il y a un maximum de vents de secteur est !

Concernant l’eau, j’ai mon désalinisateur, pour la nourriture, j’ai un
stock important de conserves et de nouilles. Et puis je peux me
rationner. Il n’y a que le stock de rouge qui va faire défaut, il faut
dire qu’en remplissant les verres à ras bord, il descend vite !

J’avais envisagé de m’arrêter à Madagascar pour faire un plein de
gasoil, mais cela me semble compliqué d’une part et risque de me faire
rater la période de vents supposés favorable entre samedi et lundi. Il
va falloir que j’économise au maximum mon gasoil, quitte à rallonger
énormément le temps de parcourt.

Voilà pour aujourd’hui, seulement 98 miles au compteur mais énormément
moins en route utile, et 473 depuis La RĂ©union (pour 452 en route
fonds directe).

A bientĂ´t.

Jean Louis
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