Journal de bord de l'Harmattan
Mardi 18 juin 2024, à 15 h TU, 17 h en France, 17 heures en Norvège. - A bord du Trollfjord, latitude 67°56’ N - longitude 13°6’ E
N° 1372 - Dans les Ă®les Lofoten



Bonsoir Ă  tous,

Eh bien, nous sommes maintenant au-dessus du cercle polaire arctique. Quelle sensation étrange, c’est le soleil de minuit, il ne se couche plus, il se contente de tourner dans le ciel.

Nous avons passé cette ligne magique à 21h27 hier soir. Tout le monde était sur le pont pour voir l’œuvre d’art plantée sur une île. Elle est censée matérialiser le fameux cercle. Les appareils photo crépitent pourtant je constate sur mon compas que la ligne passe 2 kilomètres plus au nord. Mais c’est très discret, elle n’est pas peinte en vert fluo.

S’en suit une fête exceptionnelle. Le cuisinier est déguisé en affreuse créature du Nord avec un N majuscule et un accent trainant. Il est équipé d’un immense chaudron rempli de glaçon. Chacun doit s’assoir sur une chaise devant lui et il vous verse une grosse louche de glaçons dans le cou. Cette pratique est censée conjurer les tempêtes que nous pourrions rencontrer en traversant la mer de Barents lorsque nous allons naviguer entre le Cap Nord et le Spitzberg. Moi je préfère m’abstenir, j’aime mieux affronter le mauvais temps que des glaçons dans le dos.

Vers minuit nous sommes appelés sur le pont. Le bateau est stationné au pied du glacier Svartisvatnet, deuxième glacier de Norvège avec 370 km² de superficie. Quelle déception ! Il ressemble étrangement à la mer de Glace, il a fondu comme neige au soleil et on ne voit plus qu’une immense moraine avec un peu de glace au-dessus. Rien à voir avec les merveilleux glaciers de Patagonie.

Nous avons fait escale à Reine, au centre de l’archipel des Lofoten. Ce midi, notre première baleine est venue tourner autour du bateau. Lofoten, quel beau nom, je rêve depuis tout petit de venir ici. Ce sont des montagnes avec des pics à plus de 1000m. La population est installée sur une étroite bande côtière. Ces îles étaient déjà habitées au temps de la préhistoire.

Il faut dire que la situation est idéale. Situées entre le 67éme et le 68éme parallèle nord, elles devraient être couvertes de neige avec la banquise tout autour. Pour vous donner une idée, le Cap Horn n’est qu’à 55° sud ! Mais, l’exception climatique vient du fait que ces côtes sont baignées par le Gulf Stream qui procure un climat océanique doux. En juillet on peut avoir jusqu’à 30 degrés.

Et puis il y a les cabillauds. Ces très gros poissons (ils peuvent peser jusqu’à 55 kg pour 1,8m de long !) vivent normalement en mer de Barents, mais viennent frayer dans le Vestfjord entre janvier et avril. Depuis la nuit des temps, c’est une pêche miraculeuse avec des centaines de bateaux et des milliers de pêcheurs. Ici, à Reine, il y a des kilomètres d’installation de séchage. Ce sont des cadres montés sur des pieux de plusieurs mètres de haut. Sur ces cadres se trouvent des perches de 5 à 6 mètres de long.

Les cabillauds sont ouverts, la laitance part en Asie dans les restaurants de sushis, la langue est très appréciée ici une fois passée dans la friture, les œufs peuvent être transformés en délicieux caviar, le foie produit de l’huile … Le poisson est ensuite attaché par deux, tête-bêche, salé et pendu sur les séchoirs. La brise marine le transforme progressivement en morue.

Au mois de juin, les poissons sont retirés des séchoirs (du coup nous arrivons trop tard, les séchoirs sont vides), la tête part en Afrique pour faire de la soupe et le corps appelé désormais morue est exporté dans de très nombreux pays où il servira à confectionner le Bacalao.

L’escale de demain est prévue à 8 heures dans la ville de Tromso.

A bientĂ´t
Jean-Louis

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